Entretien réalisé le 06 novembre 2024 au Périscope, Lyon.


Une première question plutôt basique : est-ce-que tu te considères comme un musicien ou comme un jazzman ?

Un musicien, j’aime beaucoup de musiques différentes, je n’aime pas trop les étiquettes. Être juste un musicien, ça me convient.

Pourquoi et comment as-tu choisi la batterie plutôt qu’un autre instrument ?

C’est en entendant Led Zeppelin IV, je pense… Oui, Led Zeppelin IV. J’étais très jeune, probablement 3 ou 4 ans. Et donc John Bonham bien sûr… C’était pour moi !

Est-ce difficile de vivre à New York en tant que musicien ?

Je crois que j’ai eu, et que j’ai encore, la chance de pouvoir gagner ma vie en jouant de la musique et c’est tout. Tout va bien, je suis chanceux.

Tu es de retour en Europe en ce moment, mais j’ai l’impression que tu ne viens pas forcément jouer très souvent en Europe. Y a-t-il une raison spécifique ?

Si j’organise mes propres tournées, je préfère les organiser aux États-Unis. Je ne voyage plus autant qu’avant parce que j’ai une fille qui a 8 ans maintenant, donc je voyage moins. Mais je suis déjà venu ici (ndlr : au Périscope). Je ne fais pas beaucoup de tournées avec des concerts d’un soir sur l’autre, mais parfois je viens et je reste pour faire des concerts pour plusieurs soirées d’affilée, ou bien je fais une résidence d’enseignement durant une semaine ou deux. L’été dernier, j’ai été à Sienne, j’ai aussi été à Amsterdam, j’ai fait quelques concerts en Italie, mais il y en a moins de nos jours, où alors c’est juste une date dans une ville. Ce n’est jamais une véritable tournée européenne, je préfère les résidences. Je n’aime pas bouger tous les jours.

Comment as-tu commencé à jouer du tabla ?

Le tabla, j’ai commencé à en jouer après avoir regardé une vidéo de Ravi Shankar et d’Alla Rakha quand j’avais 14 ou 15 ans. Je savais aussi que John Coltrane aimait la musique indienne, c’est donc à travers lui que j’ai essayé de suivre cette voie.

Comme tu as un gourou, y a-t-il aussi une dimension spirituelle dans le tabla ou pas du tout ?

Oui, toute la musique est assez spirituelle. C’est comme un chemin spirituel. Donc votre gourou est comme un autre père, une autre figure paternelle ou maternelle, peu importe si c’est une femme. Et oui, c’est une relation très spéciale.

Que ressens-tu lorsque tu joues sur scène ?

Cela dépend du concert. Ça dépend du groupe, ça dépend du lieu, ça dépend du voyage du jour, ça dépend de l’éclairage, ça dépend de beaucoup de choses. Donc ça peut être vraiment bien, ça peut être ok, ça peut être pas terrible, c’est variable. Là, c’est un groupe très amusant et très ouvert. Nous improvisons beaucoup et c’est agréable.

Que signifie le jazz pour toi en dehors de l’aspect professionnel qu’il apporte ?

Je suppose qu’il s’agit d’un certain style de musique, tu vois. Il y a un héritage là, Fletcher Henderson, Louis Armstrong, Charlie Parker, Duke Ellington, Dizzy Gillespie, Bud Powell, John Coltrane et bien d’autres, Ornette Coleman. Pour moi, c’est donc l’héritage qui compte. La musique américaine est née en Amérique et d’autres peuples l’ont adoptée dans le monde entier, mais c’est vraiment la plus grande forme d’art de l’Amérique.

T’inspires-tu d’autres formes d’art comme la peinture ou le cinéma ?

Oui, bien sûr, je suis un grand fan de cinéma. J’aime l’art, je n’ai pas donné assez de temps à la peinture ou aux arts visuels comme le cinéma, mais j’aime ça, j’aime tout ça.

As-tu un film préféré ?

Plusieurs. Peut-être que ça a été Solaris (1972), de Tarkovsky, pendant un certain temps, c’est l’un d’entre eux. Les Lumières de la ville a également été dans mes préférés pendant un certain temps. Charlie Chaplin, Scorsese, et j’en passe.

J’ai vu que tu donnais également des cours. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans l’enseignement ?

Mes élèves, plus précisément les élèves qui viennent et qui travaillent vraiment dur, qui ont une bonne éthique de travail. Tous en fait ! Et j’aime apprendre car j’apprends quand j’enseigne. Et quand on enseigne beaucoup, on apprend beaucoup, si on sait être ouvert. Et puis aussi, chaque élève est différent, donc ce n’est pas comme si tu avais un plan qui fonctionne avec tout le monde. Il faut adapter sa façon d’enseigner à chaque élève car tout le monde est différent. La constitution physique de chacun est différente, la constitution cérébrale est différente, la capacité d’attention aussi. La réalité physique de chacun est différente, il faut donc prendre toutes ces choses en considération.

C’est un peu en rapport avec ce que tu as dit, mais quelle est la meilleure façon d’enseigner selon toi ? Est-ce l’adaptabilité ou la flexibilité ?

Je pense qu’il faut garder l’esprit ouvert, savoir à quel point l’élève a besoin d’être poussé et à quel moment, de quel type de formulation il peut avoir besoin, tu sais. Cela peut être aussi nuancé que la façon dont tu dis une chose à l’élève et comment il la reçoit. Tu dois savoir comment l’élève va être réceptif. Cela peut être par la formulation, cela peut être dans le moment où tu lui dis la chose. Voir ce qu’il aime et découvrir ce qu’il est vraiment, quel est son chemin, l’aider à trouver ce chemin.

Si tu pouvais changer une chose dans ta carrière, quelle serait-elle ?

Voyons voir, je suppose faire plus de concerts sous mon propre nom et moins en tant qu’accompagnateur. Même s’il y a des avantages et des inconvénients des deux côtés. Quand ce sont mes propres concerts, il y a beaucoup plus de stress.

Parce que c’est ton nom qui est en jeu ?

Oui. Il faut en plus s’occuper de la logistique. Comme accompagnateur, il suffit de se pointer, c’est facile. Tu viens au concert, tu arrives à l’heure, tu prends ton vol ou ton train, tu n’as pas à t’inquiéter pour le reste du groupe. Tu t’inquiètes pour toi, alors que si tu es leader, tu dois te soucier de tout le groupe, savoir s’ils prendront bien leur vol, s’ils vont se réveiller à l’heure, ce genre de choses… C’est un stress supplémentaire.

J’ai demandé à Francesco Bearzatti de te poser une question, la voici : es-tu encore un enfant ?

Si je suis toujours un enfant ? Oui ! Nous avons beaucoup joué ensemble dans les années 2005, 2006, 2007.

Sax pistols est sorti en 2006. [1]

En 2006, et je m’en souviens encore ! Je me souviens du meilleur repas que j’ai jamais mangé en tournée avec lui. C’était juste nous deux en dehors de Milan. C’était des raviolis ! A ce jour c’est vraiment le meilleur repas que j’ai jamais fait. Je l’ai revu récemment Francesco.

Donc, dirais-tu que tu es encore un enfant ?

D’une certaine manière, je suis toujours un enfant, je suis toujours un adolescent, j’espère être un peu adulte aussi. J’ai l’impression que j’ai commencé à grandir vers mes 30 ans, un peu… Mais avant 30 ans...

Certaines personnes restent toujours des enfants...

C’est important de rester jeune, dans l’esprit et dans le corps. J’aime faire de l’exercice, rester en bonne santé.

Quelle est la question que j’ai oublié de te poser et à laquelle tu aimerais répondre ?

Je n’en ai pas en tête, mais si tu en as une autre, vas-y.

Y a-t-il quelque chose que tu aimerais ajouter ou mentionner ?

Oui, ici, à Lyon, J’ai le souvenir d’un très bon repas ! Nous jouions ici (au Périscope) avec Jozef Dumoulin et Ellery Eskelin. On nous avait emmenés dans un lieu où la nourriture était excellente. Je ne me souviens pas du nom du restaurant, mais c’était excellent. Je me souviens des pommes de terre ! (ndlr : a priori des pommes de terre sautées).


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