Parcours d’une météorite

Quelques grands créateurs de Jazz font l’objet de moult livres, études, critiques, louanges et éloges ; presque toujours les mêmes sauf… Eric DOLPHY (1928-1964), saxophoniste alto, flûtiste, clarinettiste basse et compositeur qui, d’après la bibliographie établie par l’auteur, n’a droit (à part biographies et textes dans différents manuscrits consacrés notamment à Charles Mingus et/ou John Coltrane) qu’à trois ouvrages dans des éditions étrangères (non traduites en français), c’est peu.

Est-ce que sa trop brève existence pourrait expliquer/justifier cela. La parution (la seule en français à ce jour) et le contenu du livre de Guillaume Belhomme remettent enfin le musicien à sa juste place… aux côtés des plus grands.

Réparti en vingt-cinq chapitres intitulés de compositions, le livre (de 130 pages) relate la vie et le parcours du musicien de God Bless The Child (les premières années) à Walk Away (l’adieu, à Berlin) avec une introduction Dedication (pénalité au discret) et la conclusion (All The Things You Could Be By Now if Sigmund Freud’s Wife Was Your Mother (l’après, quand on n’y est plus).

Eric Dolphy, de G. Belhomme
Editions Le Mot et le Reste - 2008

Rédigé de lisible façon, ce livre est une double aubaine : d’abord pour les jeunes amateurs désireux d’en savoir plus sur ce musicien ; ensuite pour ceux qui croient connaître tout, savoir tout (les multiples articles cités en bibliographie), l’occasion d’en connaître et savoir plus sur certains aspects plus ou moins volontairement négligés pendant longtemps, à savoir l’importance qu’il accordait à ce Troisième Courant si souvent décrié et auquel il participa (on semble n’avoir seulement retenu, qu’il ne fut qu’un « passeur » de génie entre le be-bop et le free jazz ; curieusement, rien sur cet aspect dans l’article de Jean-Louis Comolli dans le Dictionnaire du Jazz ) : Toute sa vie, Eric Dolphy aura donc couru après les expériences différentes, voire opposées. Cette année 1960, il multiplie projets, intègre de nombreuses formations et sert presque autant de points de vie esthétiques différents, souligne l’auteur dans les chapitres My Search et Ezz-Thetics sous titré Tout différemment, avec comme exemple celui d’E.D. jouant au cours du mois de décembre 1960 dans l’orchestre de Gunther Schuller (le disque Jazz Abstractions) et participant au Free Jazz A Collective Improvisation sous la signature d’Ornette Coleman double quartet.

Nombreux sont les détails sur les collaborations avec John Coltrane et Charles Mingus (les péripéties et démêlés de la tournée européenne de 1964) et sur la fin de vie de ce musicien qui, à la flûte, disait tellement vouloir évoquer le chant des oiseaux et fit de l’improvisation un étourdissant gazouillis.

Cet ouvrage, on l’aura compris, indispensable, comprend chronologie, discographie sélective, bibliographie, filmographie et liens internet.

Un seul regret : que les reproductions des pochettes de disques soient toutes en noir et blanc, sans doute pour des raisons éditoriales de budget ; n’empêche celles des disques les plus significatifs auraient pu bénéficier de la couleur notamment Out To Lunch, disque emblématique de l’œuvre, qui donne clairement à entendre la musique au son de laquelle Eric Dolphy passe d’une rive à l’autre, rattrapant les excès de son tempérament à forces de convenances avec lesquelles aura toujours composé sa réserve, écrit finement Guillaume Belhomme.


> Eric Dolphy ; Belhomme Guillaume ; Collection Formes, Editions Le Mot et le Reste - 2008


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