Lyon, le 20 mai 2010

Quand j’étais gosse, le jeudi était un jour faste car nous n’avions pas école. En 2010, le jeudi au Périscope, c’est un jour désespérément creux qui nous fait accroire que le public jazz s’encroûte un peu, notamment en semaine. Certes l’horaire tardif des concerts (21 h 30) peut en rebuter légion. Mais est-ce à dire que la culture doit se plier aux impératifs de tous ordres qui pèsent sur nos tristes destins ?

Toujours est-il que le trio Sibiel était présent sur scène et, avec les quelques personnes assises dans la salle, la jauge est montée à 11. Il faut aimer la musique pour jouer dans de semblables conditions. Il faut croire à son art également et faire front avec abnégation. Théo Girard à la contrebasse, Jean-Philippe Feiss au violoncelle et David Potaux-Razel à la guitare ont joué. Merci.

L’univers sonore du groupe est à la recherche ce que Proust est au temps perdu. Il défend de brèves mélodies inscrites dans de longs développements entêtants où l’onirisme défie le réel. Acoustique contre électrique, mais alors tout contre, les flux sinuent entre des pôles encore à imaginer, dégagent des paysages a priori improbables. L’expérimental est ici un vecteur de conquête. Les espaces musicaux assemblés par le trio relèvent finalement de la topographie bocagère ; à l’évidence, l’unité de ton et les surprises qu’elle laisse entrevoir sont le fruit d’un travail de longue haleine. Les timbres embrassent un corpus sonore allant des accents les plus simples au bruitisme le plus élaboré. L’inaccoutumé est le résultat de cette recherche, il place Sibiel dans un chant original encore gestatif, ce qui par essence ne fait que préfigurer l’avenir.


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