China Moses

> 30 juin 2010

China Moses est indéniablement une bête de scène à la joie communicative, à la voix profonde et au physique avantageux, ce qui séduit le public mais ne suffit pas à combler les amoureux du jazz. Chaleureuse donc, China Moses se concentre plus sur les cabotinages verbaux que sur l’art vocal, ce qui est regrettable d’autant qu’elle possède à l’évidence un don naturel pour le chant.

China Moses
Jazz à Vienne 2010

Le décor ainsi posé, le quintet qui l’accompagne a de fait l’air d’un sparing partner réduit à la portion congrue dont l’expression musicale se réduit a des soli où la facétie s’impose assez souvent sans retenue aucune au détriment de la cohérence. D’aucuns diront que l’entertainement est à ce prix. Ce n’est pas tout à fait faux mais n’est pas une obligation non plus, de grands anciens nous l’on largement prouvé et certains de nos contemporains aussi, nous pensons là au big band de Roy Hargrove l’année passée sur cette même scène du théâtre antique. Le final bluesy, pétri d’émotion filiale, entre la mère et la fille a achever d’ancrer ce set dans un genre que l’on veut bien respecter mais qui ne nous sied point et nous agrée encore moins. Les goûts et les couleurs, n’est-ce pas ?

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Dee Dee Bridgewater

> 30 juin 2010

Dee Dee Bridgewater
Jazz à Vienne 2010

Please welcome Dee Dee Bridgewater dit la bande son quand elle entre en scène. Celle dont la carrière a connu des tours et détours qu’elle assume pleinement expose ainsi ses prétentions, celles d’une chanteuse à laquelle des décennies d’expérience ont donné un statut évident bien que certains le lui contestent. Solidement épaulée par un combo très professionnel, elle a pu à loisir faire de son hommage à Billie Holiday un lieu qui lui ressemble. Toujours aussi brillante dans le scat et la modulation, elle a donné bien des espaces à ses musiciens, ce qui ne nous a pas déplu. Ainsi construit le concert a dévoilé avec tranquillité les qualités vocales de Dee Dee Bridgewater, son art de la scène et les mérites évidents des musiciens qui l’accompagnent. Mais la flamme nous a tout de même paru fragile, trop en deçà des performances auxquelles la chanteuse nous a habitué par le passé. Faiblesse passagère ou choix de l’économie, nous ne trancherons pas. La justesse était au rendez-vous et chacun choisira la définition qui lui convient.

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Michel Portal Quintet

> 05 juillet 2010

Michel Portal
Jazz à Vienne 2010

D’une manière générale, les activités musicales de Michel Portal de l’autre côté de l’atlantique sont plutôt réussies. Avec ce quintet où a brillé hier la trompette incisive d’Ambrose Akinmusire, le clarinettiste bayonnais n’a pas déçu un public nombreux acquis à la cause de Manu Katché... Les excellentissimes Nasheet Waits et Scott Coley alliés à Bojan Z ont complété un tableau fort riche en couleurs, dynamique et finement composé. Le maître de séance a visiblement pris du plaisir à cette réunion et son univers musical a été généreusement servi.

En tout début de soirée, Sylvain Luc était venu, seul en scène, donner une belle leçon de guitare, un peu trop technique cependant pour être pleinement appréciée par le public. Dommage.

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Manu Katché quartet

> 05 juillet 2010

Manu Katché
Jazz à Vienne 2010

Manu Katché est un très bon batteur, tout le monde le sait. C’est un fin accompagnateur, il n’y a qu’à écouter le dernier CD de Jan Garbarek en concert pour le constater. En tant que leader, il est nettement moins probant. Ses acolytes méritaient mieux que le peu de place que Katché leur a laissé car son jeu envahissant a souvent étouffé l’étendue de leurs talents. C’est donc un exercice de bûcheronnage à la sauce moi mon ego ma vie que nos oreilles ont supporté, le tout joliment empaqueté dans un rapport au public très télévisuel, voire infantilisant.

Il semblerait que la fréquentation assidue des médias de masse ait quelques effets collatéraux négatifs sur la personnalité des musiciens. Nous attendons donc une enquête scientifique approfondie pour nous prononcer définitivement.

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Jason Moran Bandwagon

> 05 juillet 2010

Jason Moran
Jazz à Vienne 2010

Après Regina Carter la semaine dernière, le club de minuit a accueilli ce soir du 5 juillet un autre concert d’exception avec le Jason Moran Bandwagon. Dix années de connivence musicale et humaine donne à ce trio un inestimable supplément d’âme. Nasheet Waits, Tarus Mateen et Jason Moran ne se contentent pas de jouer ensemble leur musique, ils la pensent. Servie par une pertinente virtuosité et une mise en place impeccable, elle livre à l’auditeur les arcanes d’un laboratoire où l’originalité des constructions est le vecteur des émotions moraniennes. Les hommages du pianiste à Hendrix, Andrew Hill ou, mieux encore lors de ce concert, à Billie Holiday sont des merveilles d’inventivité. L’utilisation judicieuse des samplings fait entrer la musique dans une dimension supérieure sans nuire à ses qualités premières. Le Bandwagon est ainsi tour à tour accompagnateur de Billie avant qu’elle ne s’efface partiellement pour lui laisser l’avant scène et la direction des opérations musicales.

Les références que Jason Moran propose à ses auditeurs sont celles d’un musicien en phase avec le monde qui l’entoure. Son constant souci de ne pas isoler la musique, de ne pas s’isoler dans la musique, transparaît dans chacune de ses compositions. L’énergie créatrice qui anime le trio en est irradiée. On se prend à songer à Charles Lloyd, avec lequel Jason Moran a travaillé, à la complexité musicale qui est sienne et qui par miracle entre sans peine en communion avec le public. A 35 ans, le pianiste texan illustre par son propos, sans effet déplacé, qu’il est déjà dans la cour des grands contemporains du jazz. Sa vision mélodique des thèmes, soutenue par une connaissance étendue de la tradition, est souvent hypnotique et son expression harmonique magnétique. Point n’est besoin cependant d’être féru de jazz et de composition musicale pour appréhender le Bandwagon. Il suffit d’accepter le voyage, de se laisser porter par son souffle, pour être touché et définitivement séduit.


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