Jazz Campus est dans sa troisième année avec, comme à l’accoutumée, une programmation éclectique et pointue...
Jazz Campus est dans sa troisième année avec, comme à l’accoutumée, une programmation éclectique et pointue propre à ravir celles et ceux qui savent ce que découvrir veut dire. Sans compromis mais pas sans enthousiasme, le festival accueille avec la même bienveillance les artistes, les stagiaires et le public, loin de tout académisme frileux.
__2__
> Samedi 21 août 2010, Matour
I Overdrive trio
Nous avons déjà dit dans ces colonnes (voir ici) tout le bien que l’on pense de ce trio. Exhumer les chansons de Syd Barret et les intégrer à un jazz improvisé aventureux n’était pas une mince affaire. C’est pourtant ce que réalisent Philippe Gordiani, Rémi Gaudillat et Bruno Tocanne. Quant au concert de Matour à proprement parler, nous avons grandement regretté la tiédeur du public. Le trio a été obligé de fournir une énergie colossale pour tenir une assistance peu encline à la découverte ou, qui sait, trop spécifiquement intéressée par « un » jazz. Dommage.
__2__
> Dimanche 22 août 2010, Cluny
Chet Baker, Let’s get lost - un film de Bruce Weber
Le film de Bruce Weber a ses détracteurs et ses aficionados. Ceux qui trouvent que la musique est reléguée au second plan pense de manière générale que l’image donnée de Chet écorne singulièrement le mythe. Ce n’est pas faux. Mais peut-il en être autrement quand on visionne un film qui centre sans fard son objectif sur un artiste camé jusqu’à la racine des yeux ? De fait, le film de Weber saisit Chet Baker devant la caméra tel qu’il fut au moment du tournage, dans une immédiateté qui oscille entre le dérisoire et le tragique. C’est son grand mérite, et sa faiblesse aussi. Pour écouter le trompettiste, il y a suffisamment de disques et, aujourd’hui, de DVD de concert où l’on peut pleinement apprécier son univers musical et la beauté fragile qui s’y exprime.
__2__
> Lundi 23 août 2010, Dompierre Les Ormes
Barry Guy
Ce n ’est pas si souvent que le génie s’exprime sur scène. Barry Guy est un artiste absolu et unique. Sa virtuosité éclate dès les premières mesures d’un set abrupt dans lequel l’auditeur est entraîné par l’audace créatrice, la sincérité et la générosité, d’un contrebassiste ignorant la compromission. Qu’il en appelle à Mingus ou qu’il rende hommage à Beckett, il éclabousse de beauté irradiante la moindre note. Ses textures et figures sont celles d’un inlassable défricheur, à l’imaginaire fertile, de l’improbable humain, de l’inouï musical. Nietzsche assigne au philosophe la tâche de nuire à la bêtise. A cette aune, Barry Guy est assurément un grand philosophe et sa pensée musicale l’expression aboutie d’une exceptionnelle singularité.
Rendons grâce à Didier Levallet de savoir, encore et toujours, oser ce type de programmation car inviter Barry Guy est un défi que bien peu relève en France, hélas.
__2__
> Mardi 24 août 2010
John Greaves - Quintet « Verlaine »
Facile est le premier mot qui nous vient à l’esprit après avoir écouter la prestation de John Greaves avec son quintet. Notez bien qu’en ces lignes, et en regard de l’artiste dont on parle, facile ne signifie pas mièvre ou simplet, galvaudé ou superficiel. John Greaves chante Verlaine avec aisance et une classe insigne. En première partie de set, il a laissé s’exprimer en solo ses acolytes, notamment Scott Coley à l’accordéon et le très sensible et trop ignoré Silvain Vanot. La prestation globale du quintet est un espace d’expression poétique où fonctionne en symbiose des instrumentistes talentueux : leurs figures tutélaires sont John Verlaine et Paul Greaves, deux arpenteurs de chemins de traverses qui ont toujours su donné par le mot et le son ce qui sous l’épiderme donne au frisson sa grandeur et le goût du souvenir qu’il déclenche encore en nous longtemps après.
__2__
> Mercredi 25 août 2010, Massily
Bertrand Binet & Charlène Martin - « L’instinct de conversation »
Ce duo vocal formé en 2003 ne manque pas d’originalité. La complémentarité des artistes est flagrante, leur talent également. L’expressivité qui leur est propre crée d’instinct l’empathie avec le public. Technique de haut vol et inventivité son au menu d’un duo unitaire qui offre à l’ouïe une saine jubilation.
Aventureux certes mais avec un respect évident de la forme, Charlène Martin et Bertrand Binet explorent les timbres plus qu’ils ne les collectionnent car ils n’ont pas le souci d’’exégèse des virtuoses à court d’idées. Et c’est tant mieux.
Lire la chronique de Thierry Giard sur leur album
__2__
Sylvaine Hélary Trio
Sur l’avant-scène de la jeune génération qui agite la musique improvisée française, Syvaine Hélary, accompagnée d’Emmanuel Scarpa à la batterie et d’Antonin Rayon à l’orgue, dévoile un univers musical extrêmement personnel. D’une composition l’autre, le trio travaille le grain, du rugueux au subtil, et oscille entre onirisme chancelant et pesanteur industrielle. Créatif dans les formes musicales et solidement regroupé autour des qualités de chacun, le trio invoque en fin de concert Ghérasim Luca, ce qui en soi suffit presque à définir son esthétique.
__2__
> Liens :