"Django Reinhardt - Swing de Paris", l’exposition est ouverte jusqu’au 23 janvier 2013 à la Cité de la Musique (Paris). Pierre Gros et Christian Ducasse l’ont visitée...
Django Reinhardt, le manouche à la main estropiée qui a bouleversé la musique, un talent à l’état pur. Mais aussi Paris, creuset des musiques populaires et savantes qui dans cette alchimie métissée, fut durant la vie de Django le centre artistique du monde. Le monde, aimanté avait rendez-vous à Paris.
C’est ce que nous montre cette exposition à travers la vie du musicien. Lieu de rencontres du musette, de la chanson, du tango, et bien entendu du jazz. Son apparition fut un véritable électrochoc agissant sur les arts en général. Ce choc, cette vie foisonnante, cette explosion des sens est retracée à travers des affiches, des photographies, des peintures, des poèmes. On nous montre le saxophone utilisé par Coleman Hawkins, la guitare Selmer de Django marquée dans son bois par sa musique. Son évolution, du bal en passant par la chanson et du quintette du Hot Club de France au jazz le plus moderne de son époque, on peut l’entendre en s’asseyant dans des sortes d’abris qui donnent à écouter pour ceux qui ne la connaissent pas la véritable mesure du génie de ce musicien hors pair, universel dépassant les limites d’un style.
Mais c’est aussi l’occasion de montrer, soit par un petit film ou par des images, un peuple rejeté aux portes de Paris, exclu dans la Zone, victime de son mode de vie et de préjugés. Django l’immense vedette pendant l’occupation venait de là, n’ignorant rien du sort réservé aux siens et l’on évoque ses compositions, Rythme Futur, Nuage comme langage d’un peuple persécuté durant la guerre.
Comme quoi, en temps de crise, on trouve toujours des boucs émissaires à ses propres souffrances et dont l’écho résonne étrangement à nos oreilles d’aujourd’hui.
Tout cela on le retrouve dans le beau catalogue qui accompagne l’exposition sur un texte de Michael Degni spécialiste américain de Django.
Deux choses pour finir, un témoignage que je tiens de mémoire de la bouche même de Pierre Michelot [1] « Django était agréable à vivre, libre, difficile à gérer, sauf en musique où avec son incroyable oreille aucune faute n’était permise, nous avions alors droit à un regard noir » et cette phrase de Jean Cocteau parlant du musicien « Votre rythme secoue le malaise universel ».
.::Pierre Gros: :.
Le mystère du génie de Django Reinhardt reste entier mais l’exposition de la Cité de la Musique nous éclaire par des angles inédits au travers de la photographie.
Plusieurs documents rares nous donnent à voir de l’univers de Django. Parmi les témoins photographes s’illustre Emile Savitry qui dès le tout début des années trente fit découvrir aux frères Reinhardt la richesse du jazz via le microsillon et participa ainsi à modifier le cours de l’histoire.
Emile Savitry (1) fut un ami proche, reporter photographe encore peu connu, son oeuvre a été révélée par Sophie Malexis qui a entrepris à son endroit un précieux travail .
Willy Ronis, Michel Descamps (2) reporter de Paris Match ou Paul Almasy (2) contribuent eux-aussi à enrichir la vision de l’environnement dans lequel Django et ses proches ont évolué.
Un des moments fort de cette exposition est la présentation de plusieurs tableaux peints par Django Reinhardt. On découvre à travers d’autres photographies en quoi sa pratique de la peinture n’était pas anecdotique.
Enfin il convient (dans un petite salle à découvrir) de visionner en boucle le film sensible de Paul Paviot, formidable documentaire de 22 minutes tourné en 1957. Le commentaire écrit par Chris Marker est lu par Yves Montand. Un petit chef d’oeuvre qui fait vibrer l’âme du divin disparu.
(extrait sur : www.youtube.com/documentaire-Django)
.::Christian Ducasse: :.
> Notes :
(1) Les passionnés de photographie ont le loisir de pénétrer l’art d’Emile Savitry qui expose à la Maison Robert Doisneau de Gentilly jusqu’au 27 janvier 2013
(2) Nombre des photographies de l’exposition apparaissent dans un Hors Série de l’Express en écho
de l’exposition de la Cité de la Musique. Une publication augmentée d’un cd incluant 25 succès imputrescibles de Django Reinhardt (7,5 euros en kiosque octobre-novembre 2012)
> DJANGO REINHARDT SWING DE PARIS - Exposition, jusqu’au 23 janvier 2013
Cité de la musique
221, avenue Jean-Jaurès
75019 Paris
> Liens :
[1] contrebassiste français. 1928-2005