La 26ème édition du festival D’Jazz de Nevers avait débuté en fanfare samedi 17 novembre. Retour sur cette ouverture en attendant la suite...
Sommaire :
- Ouverture du festival 2012.
- Orchestre Franck Tortiller "Janis the pearl..."
- Youn Sun Nah Quartet
Nevers, ville d’Art et d’Histoire accueille tous les ans en novembre un festival de jazz parmi les plus intéressants et reconnus de la scène française, organisé par l’association D’Jazz. Le coup d’envoi de la 26ème édition fut donné le samedi 10 novembre.
Au programme de cette première journée : accueil enthousiaste en centre ville avec la fanfare Balkan Brass Band pour une musique très chaleureuse et communicative, influencée par le courant des musiques d’Europe de l’Est. Une très belle façon d’ouvrir le festival en fête.
L’auditorium Jean-Jaurès recevait en fin d’après midi le jeune pianiste bourguignon Frédéric Nardin dans l’Inception Trio, accompagné de Matteo Bortone (contrebasse) et du grand Leon Parker (batterie). Ce trio de choc formé par trois individus de nationalités, générations et caractères différents offrit au public une musique en osmose où se mêlent de nombreuses influences du jazz tout en gardant sa propre identité.
En soirée, la Maison de la Culture accueillait en première partie une création très attendue : « Janis The Pearl » autour de Janis Joplin interprétée par l’orchestre de Franck Tortiller.
Le vibraphoniste fidèle au festival avait déjà enthousiasmé le public il y a quelques années avec son hommage à Led Zeppelin et son programme Sentimental 3/4 autour de la valse. Ce nouveau répertoire laisse place à un melting pot où l’on reconnaît des évocations de rythm’n’blues, soul, blues, rock, pop, jazz...
.::Armel Bloch: :.
La salle Philippe Gentil de la maison de la Culture est ce soir là pleine à craquer, plus de trois heures de jazz.
Au programme : l’Orchestre Franck Tortiller puis en deuxième partie Youn Sun Nah Quartet.
Avec son projet Janis the Pearl, Franck Tortiller remet au goût du jour l’univers créatif des années 70 aux USA. Une période de profonde ouverture vécue par Janis JOPLIN. Un univers de liberté que Franck compare aux années 20 jadis à Montmartre : une vraie gravitation artistique.
Lors de son passage à l’Université du Texas à Austin au tout début des années 60, Janis n’a jamais obtenu de diplôme. Durant ce bref passage, elle fut même élue « le garçon le plus laid » du campus ! une humiliation dont elle garda un vif et douloureux souvenir. On la considérait comme une chanteuse de rock mais c’est finalement le blues qu’elle évoquait. Aujourd’hui Tortiller propose un retour artistique à ces années de libres créations.
Dans son groupe, Franck préserve son noyau dur (et fier de l’être) mais intègre de jeunes musiciens et Jacques Mahieux chanteur (et batteur par ailleurs) qui, lui aussi, connaît très bien cette époque des années 70. Beaucoup de choses passent dans sa voix, les gens écoutent vraiment.
Franck ne regarde pas en arrière, il avance certes presque un peu vite, avec peut-être, époque oblige, un risque de "sur-création" imposé par un système de consommation. Mais il veut faire vivre ses créations avec, depuis peu, le Label MCO qu’il a créé dans le cadre de l’association « Musique à Ciel Ouvert ». Un outil qui va lui permettre de vraiment diffuser ses œuvres.
Pour Franck, l’Europe et la France en particulier, bénéficient d’un vrai public amateur de jazz. Il faut défendre cette musique, la maintenir en vie. Les musiciens doivent en être toujours conscients.
Pour ce projet, son travail d’harmonisation a été très long, particulièrement pour la section des cuivres (époustouflante !), sans doute ce que l’on fait de mieux aujourd’hui.
C’est la première fois que Franck va décider d’épurer au fur et à mesure son écriture en plusieurs mois de travail. Il écrit, écoute, choisit, rature, recommence... À la clé, la récompense d’une musique aboutie et enregistrée sur un nouvel album dont la prise de son est excellente (il est important de le préciser !).
Mais revenons un peu au concert. Cette première à Nevers après un concert à Millau est, de mon point de vue, encore supérieure au CD.
Sur scène, ce soir-là, une autre dimension s’offre au yeux et aux oreilles des spectateurs. Jacques Mahieux porte ce soir son chapeau noir et un tee-shirt également noir arborant une feuille d’érable sur laquelle est inscrit en rouge (avec humour !) : « légalisez le Canada ». Il va donner de sa voix quelque peu rocailleuse une force remarquable à "Janis the Pearl". D’entrée, ça balance, ça chauffe, une rythmique endiablée à l’américaine. Normal !
Pendant toute la durée du concert. Patrice Héral, le batteur, régale. C’est une vraie machine à sa façon. Sa voix se transforme à volonté, électroniquement avec des touches de hip-hop.
Franck laisse ses complices s’exprimer les uns après les autres dans des chorus qui en appellent d’autres encore plus déments comme celui de "la Pomme", entendez Jean-Louis Pommier au trombone, ou celui d’un jeune prodige de l’euphonium, Antony Caillet, musicien qui sort des notes que certains disent impossibles à obtenir et pourtant !
Tortiller dirige simplement mais n’oublie pas ses quatre mailloches qu’il pointe de temps en temps à la verticale, signe d’un vrai ralliement. Les quatre cuivres : c’est colossal, nickel chrome, ça tombe. Des compères qui se font plaisir et ça "éclate" devant cette salle qui en redemande.
Comment ne pas plébisciter l’orchestre Franck Tortiller et aimer "Janis the Pearl" ?
.::Jacques Revon: :.
Le concert débute par quelques notes sorties d’une kalimba : nous sommes entrés dans une ambiance feutrée.
A capella, Youn Sun Nah débute son concert, la voix est douce et le morceau se termine par un charmant « Bonsoir Nevers ! ».
La chanteuse coréenne poursuit avec son guitariste Ulf Wakenius qui la suit depuis longtemps, l’ancien guitariste du regretté Oscar Peterson. Youn Sun Nah est arrivée en France, à Paris en 1995 pour étudier le jazz.
Pour son second morceau, le registre de sa voix change, sans qu’on perçoive visuellement une respiration. Les onomatopées se succèdent plus rapides les unes que les autres. Osmose parfaite avec son guitariste.
Youn Sun Nah parle le français comme vous et moi. Très vite, elle s’adresse au public avec son large sourire, elle demande : « y a t il des coréens parmi vous ? »
Grand silence, pas de réponse et Youn d’ajouter « pourtant nous sommes partout ! ». La salle rit.
J’ai déjà vu Youn Sun Nah en concert au Festival de jazz à Couches, elle avait posé aussi cette question de la même manière et j’avais été bluffé (à Couches, sous le chapiteau, il y avait quelques jeunes coréens). D’ailleurs j’avais été totalement bouleversé par la fraîcheur de sa prestation en duo avec son guitariste.
À Nevers j’ai l’impression de revivre le précédent concert, tout est finement calculé, préparé, mêmes expressions, gestes, regards, rien n’est laissé au hasard ni ne change. Certes c’est la présence sur scène d’une grande professionnelle mais il y a un revers : je ne ressens plus cette fraîcheur, cette spontanéité découverte à Couches, pour moi le charme est quelque peu rompu, serais-je trop exigeant ?
Quoi qu’il en soit, ce doux visage de porcelaine et sa voix, ses vocalises si particulières continuent de séduire l’auditoire nivernais. Les gestes évocateurs de ses mains sont mis en valeur par les lumières, et ses quatre musiciens sont excellents. Enfin le concert se termine comme à Couches avec une très belle chanson française que tous connaissent : Avec le temps.
À cet instant, vais-je ressentir ce frisson qui vous remonte dans le dos et vous emporte, un frémissement que j’ai vécu en juillet dernier ? Eh bien non !
Je connais déjà cet instant où deux larmes vont couler doucement sur la joue de Youn... La chanteuse coréenne est aussi une excellente comédienne, une qualité qui s’ajoute à son professionnalisme.
.::Jacques Revon: :.
Le point de vue d’Armel Bloch :
Le quartet de Youn Sun Nah a conquis le public après deux rappels au succès franc, avec des musiciens de haut vol : Ulf Wakenius (guitare), Vincent Peirani (accordéon) et Simon Tailleu (contrebasse). Sa voix capable de la plus grande douceur comme d’éclats de violence inattendus démontre une virtuosité vocale hors du commun dans un répertoire original et éclectique.
Un très grand moment d’émotion qui confirme le succès de la chanteuse dans les plus grands festivals.
Cette première journée annonce la couleur d’un festival aussi prometteur que les éditions précédentes, preuve d’un travail exigeant concocté par toute l’équipe de Roger Fontanel.
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