Ping Machine, le célèbre "grand format" français était sur la scène du Triton (Les Lilas - 93) pour présenter son nouveau programme : "Encore !"... entre autres...
Fin mai. L’automne précoce se fait sentir, enjamber les flaques devient un sport quotidien et la rumeur selon laquelle Nadine Morano aurait rappelé que, sous Sarkozy, le printemps commençait toujours le 15 mars, est infondée.
La scène du Triton prend les allures du dernier salon où on cause, celui où l’on rêve d’être assis prés d’une créature inabordable et subitement si proche. À cuisse-cuisse, pour tout dire tant le ratio surface disponible/nombre de musiciens est faible.
Ils sont quatorze ce soir, les mecs de PING MACHINE, le quinzième n’a pu installer son vibraphone, ses marimbas, son auvent anti-pluie et son écran plat.
Le taulier, guitariste, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre : Frédéric MAURIN, Paul LAY au piano, fender rhodes et celesta, Raphaël SCHWAB à la contrebasse, Rafaël KOERNER à la batterie.
Et une bande de souffleurs : Florent DUPUIT, sax, flûte, piccolo, Fabien DEBELLEFONTAINE sax alto, clarinette et flûte, Jean-Michel COUCHET sax alto et soprano, Julien SORO sax ténor et Guillaume CHRISTOPHEL sax baryton et clarinette basse ; au pupitre des cuivres, Andrew CROCKER trompette, Fabien NORBERT et Quentin GHOMARI trompette et bugle, Bastien BALLAZ au trombone, Didier HAVET au tuba et trombone basse.
Pas de photos du concert au Triton mais celle-ci prise le 9 mai sur la scène du théâtre de Coutances (Jazz sous les Pommiers) - NDLR-
Un premier morceau, « Encore », nous jette dans la marmite bouillonnante de ce big band. Une demi-heure non stop lancée par un solo de Julien SORO qui, sans y toucher, par petits ajouts successifs, construit une jolie histoire à partir d’une idée plus simple-y’a-pas-en-stock-revenez-la-semaine-prochaine. Outre les interventions de l’un ou de l’autre, l’arrangement met en valeur des duos sur fond de riffs étincelants des cuivres ( non moins étincelants ) : Couchet avec Soro, Lay et Koerner ( magnifiques, emportés dans une conversation importante, ne pas déranger SVP ) et ici et là, ce trio tuba-trombone-sax bar qui sonne plus puissant, solide et dense que les fondations de la déchetterie nucléaire de Bures. Oui, n’oubliez pas, gentils spectateurs, d’aller semer la zizanie dans le débat public sur l’avenir des déchets nucléaires, qui ne sert qu’à cautionner des décisions déjà prises ( ça s’appelle la démocrassie ). Et cette clôture sublime : SCHWAB à l’archet, tout prêt du chevalet, tirant de sa bête des soupirs, des murmures plaintifs, des petits cris et tout l’orchestre lui répondant dans un grand souffle à arracher les cheveux planqués à l’intérieur du crâne des chauves. Juste sublime.
Pour terminer le set, une pièce d’avant, Random Issues, avec une tournerie en forme de 4/4 qui met en valeur DEBELLEFONTAINE, COUCHET, CHRISTOPHEL puis SORO à nouveau.
Ils ont bien mérité d’aller souffler dans un verre du côté du bar.
Au retour la morceau GRRRR permet à CHRISTOPHEL et son baryton de s’envoyer les poumons au plafond dans un hébaurrme solo déchiré et déchirant. Très beau.
Puis avec Trona, (une petite ville de Californie, l’enfer sur terre du fait de sa mine de borax -tétraborate de sodium décahydraté, Na2B4O7·10H2O-, pas un brin d’herbe, par un arbre, le monde miné râle), on entend Couchet puis Dupuit sur fond de la guitare de Maurin.
Il y a dans tout cette musique un quelque chose de mystérieux qui provient de l’impossibilité d’anticiper ce qui va arriver (oui, n’anticipez que ce que vous êtes sûr qui arrivera... ) mais là, on reste sur le bord de la chaise genre : et maintenant ? Que vas-tu faireeeuuu ? Que va-t-il se passer ? Un art de la rupture, de la surprise, du rebondissement.
Le rappel est lancé par un solo a capella de SCHWAB qui joue de sa grosse bestiole comme d’une guitare acoustique. Et que j’te coince un accord par ici, un glissando de bobsleigh par là, un pizz à faire rigoler les copains. Du grand art. Cet orchestre qui a bien mûri (il y a de la chair, du gras, de l’os et ça vibre le long des nerfs ) n’a pas entamé le début du commencement de l’initiation d’un soupçon de corruption qui ferait dire qu’il est blet.
Merci Maurin, c’est foutrement bien foutu.
> PING MACHINE, jeudi 30 mai à 21h00 - Le Triton - 11 bis, rue du Coq Français - 93260 Les Lilas.
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