Jazz à Vienne 2013. Ah ??
Où le chroniqueur habitué des lieux depuis... si longtemps enterre ses illusions.
Samedi 29 juin 2013
Ce soir à Vienne, il y a Marcus Miller. Une bonne occasion d’aller utiliser mon accréditation, n’est-ce pas ?
Au Périscope, Andy Emler joue avec Claude Tchamitchian et Éric Échampard. Je choisis ces derniers. Ils sont plus rares que Marcus qui, soit dit en passant, est un homme charmant. Je retrouve donc une triplette que je n’avais plus vue sur scène depuis cinq ans. Aucune déception, ces trois-là fertilisent en continu le terreau de leur musique, ce qui lui confère une permanence dans la qualité et une grande liberté dans l’improvisation.
Nous disions en 2008 que « Convaincus et convaincants, ils livrent une musique émancipée, rayonnante et exaltée. Savants sans être ennuyeux, ils approfondissent à tout instant un cheminement mélodique en quête de sens (une philosophie du bonheur ?). La connivence leur va comme un gant qu’ils sont trop heureux de relever ; c’est là la belle audace, l’impertinence, de ce jazz contemporain qui transcende les genres et transgresse notre triste époque avec tact et raffinement. » Nous le pensons encore et toujours.
Mercredi 03 juillet 2013
Allez petit chroniqueur et photographe (on va l’appeler ChroFo pour la suite de l’article), va chercher ton accréditation, ton bracelet de couleur et ton jeton pour la boisson gratuite quotidienne. Il serait temps, tout de même ! T’as déjà cinq jours de retard alors que Jazz à Vienne te fait l’honneur de t’accueillir... un peu mais pas trop. Faut pas déconner non plus. Ton pass a un format XL du plus bel effet avec une belle étoile en argent qui brille au soleil, ton tour de cou siglé est multicolore mais on t’invite (c’est écrit) à être discret et courtois. Les coulisses où tu discutais avec tes amis musiciens ou agents et avec lesquels l’échange artistique et humain était de mise, ce n’est plus pour toi. Parce que ton bracelet n’a pas la bonne couleur. Et oui. Et gare à toi si tu t’approches de la barrière fatidique au-delà de laquelle les huiles sont bénites : "Là, ça passe pas" m’a dit le sbire de service. C’est bête, je n’avais même pas l’intention d’entrer de ce côté-ci du Golgotha... ce jour-là. Faudra penser l’année prochaine à écrire dans le vademecum du bénévole sûr de son fait comme de l’agent de sécurité que la politesse n’est pas un vilain défaut et que le sourire n’est pas une grimace.
Bref, le petit ChroFo est vite retourné du côté de Cybèle parce qu’il avait des copains qui jouaient au Club de Minuit avec Roberto Negro. On a profité de l’occasion en cette fin d’après-midi pour écouter ce dernier en solo. Sans concession, en immersion dans son univers onirique, il a quelque peu déstabilisé les auditeurs présents. Mais c’était pour le meilleur uniquement. Le meilleur se répéta around midnight avec cette superbe et étonnante "Loving Suite Pour Birdy So" où Élise Caron occupe sans afféterie aucune une place essentielle. Roberto Negro en maître de cérémonie à l’écoute de ses acolytes dirige sans diriger. Beaucoup de liberté donc, ce qui permet à chaque musicien d’offrir au public le meilleur de son art. Avec des mots simples, simplement décalés, comme un poète de rue peut les écrire et les dire, posés sur une trame mélodique oscillant entre chanson et improvisation dans un quotidien sans fard mais pas sans rêves, la Loving suite en a dans les idées.
Ça fait rêver et le public adhère. Il colle même au sujet et balance au final une gerbe d’applaudissements et de vivats comme on entend peu dans ce petit théâtre à l’italienne qui, au sein du mercantilisme triomphant de Vienne, fait figure d’écrin (ou de tombeau) pour l’aventure créative.
Line up : Roberto Negro : piano, direction, composition / Élise Caron : voix / Federico Casagrande : guitare / Théo Ceccaldi : violon / Valentin Ceccaldi : violoncelle / Nicolas Bianco : basse / Xavier Machault : texte
Jeudi 4 juillet 2013
Aujourd’hui, le petit ChroFo est retourné en tiquant vers le théâtre antique. Il a constaté que l’ambiance n’avait pas changé depuis la veille. Il a écouté Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo en conférence de presse dans le nouvel espace dédié. À l’écart du théâtre antique, sobrement aménagé, les journalistes et autres photographes peuvent au choix, selon la météo, y suer sous le cagnard estival ou prendre une douche gratuite les jours d’orage. Le soir, depuis le bar, celui du public, il a donc écouté la « Gouache » suivre son cours en discutant avec un directeur de festival ami. Bon, pour être honnête, Jacky l’a terrassé. ChroFo, il connaissait déjà le projet Sclavis - Texier - Marguet - Le Querrec, alors il ne va pas en rajouter sur le sujet.
Après tant et tant d’émotions (je ne vous ai pas tout dit, je suis gentil, poli, discret et courtois), ChroFo a attendu trois jours avant de revenir encore vers le théâtre antique. Soirée Gospel, oui m’sieurs ’dames ! Très curieux d’écouter le plus que talentueux Don Byron dans un contexte où on ne l’attendait pas. Le projet avec cette chorale originaire de la région, Lavelle au chant et Sangoma Everett à la batterie ne manque pas d’atouts. Mais c’était encore un peu vert. Rendez-vous en mars 2014 à A Vaulx Jazz. Après quoi, nous avons écouté le Los Angeles Gospel Choir. Pêchu dirons-nous, mais un peu caricatural. Bon, j’étais là en touriste avec mes enfants, la température extérieure était estivale. Alors ne boudons pas notre plaisir, ce genre de soirée avec des artistes généreux et concernés laissent un sentiment de joie non feinte. Ce n’est déjà pas si mal et cela masque pour un temps le revers de la médaille.
Après cela, allez savoir pourquoi, l’envie d’aller à Vienne m’a quitté. Mon pote Michel ayant fait l’impasse cette année, mes collègues photographes anglais ayant plié boutique dès le troisième jour pour de bonnes raisons, évoquées avec une élégance toute british, j’étais tristounet. Si, si.
En fait ChroFo, il grogne parce qu’il n’est plus considéré comme avant disent entre les mots celles et ceux qui font tourner la baraque viennoise. Alors il répond, ChroFo, avec des mots, qu’il n’a pas besoin d’eux pour être et savoir être, pour vivre et savoir vivre. Le jazz, c’est un état d’esprit avant d’être un genre musical. À Vienne cette année, il y avait peu de jazz au théâtre antique, trop peu. Quant à l’état d’esprit, il semblerait qu’il ait rendu l’âme. À qui ? Telle est la question. Ce n’est pas sous le pont Mirabeau que coule Jazz à Vienne.... « et nos amours faut-il qu’il m’en souvienne »...
À lire ces temps-ci : Erri De Luca - Le jour avant le bonheur. Folio
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