Trois concerts en Bourgogne (grâce au Centre Régional du Jazz) pour Pierrick Pedron "Kubic" Trio et le trio de John S. Fox. Celui de Dijon ici...
En début de saison 2013, le Centre Régional du Jazz de Bourgogne (CRJB) a pris l’initiative de faire découvrir de jeunes musiciens de jazz régionaux confirmés en première partie des concerts sur les scènes de Bourgogne .
Cette ouverture permet de mettre en lumière telle de jeunes formations qui manquent trop souvent d’un petit "coup de pouce" nécessaire à leur éclosion.
Lors des trois concerts organisés en Bourgogne avec le Pierrick Pedron "Kubic" Trio à Dijon, Nevers et Chalon sur Saône, c’est le trio de John S. Fox (moyenne d’age 24 ans) qui a eu la belle opportunité de se présenter successivement sur ces trois scènes.
Ce jeune Trio est né en 2012 d’une rencontre entre trois étudiants bourguignons du Conservatoire de Musique de Chalon sur Saône. Jonathan Carette au piano, Étienne Renard à la contrebasse (qui vient de réussir son entrée au CNSM de Paris) et Adrien Leconte à la batterie.
Le trio joue d’ordinaire un répertoire original composé et écrit par Adrien Leconte mais arrangé par l’ensemble dans la pure tradition de la période swing en mariant à la musique de notre temps : un nouveau parfum "jazz".
On peut vraiment espérer que cette formation arrive à se faire connaître en dehors des limites de la Bourgogne sur d’autres scènes de notre hexagone.
Voici le lien pour écouter quatre morceaux : ici !
À Dijon, dans la cadre du programme D’Jazz Kabaret, La Vapeur proposait en deuxième partie de soirée le Pierrick Pedron Trio : une autre génération, trois quadra (et demi).
Le trio reprend dans "Kubic’s Monk" de célèbres compositions de Thelonious Sphere Monk, avec une formule classique : celle d’un trio.
Franck Agulhon est à la batterie, Thomas Bramerie à la contre basse et Pierrick Pédron au saxophone alto.
Au programme des morceaux du CD auxquels il faut ajouter ce soir là, à la fois Well you Needn’t, un superbe solo de plus de 6 minutes de Pierrick Pedron dans ’Round Midnight et enfin en rappel, Blue Monk.
Ce soir là, sincèrement, "l’esprit Monk" planait au dessus de la Vapeur ! C’est selon moi, un vrai défi que de jouer du Monk sans piano. En fait, Pierrick approche et travaille depuis fort longtemps, les œuvres parfois méconnues du grandissime Thelonious. Il s’est déjà frotté au répertoire de Monk avec les deux pianistes que sont Alain Jean Marie et Laurent De Wilde (ce dernier est l’auteur de Monk- Gallimard, 1997).
Avant le concert, je me posais cette question : comment réussir à substituer des accords Monkiens avec un instrument monophonique comme le saxophone alto ?
Certes, Pierrick est un déjà un boppeur admirateur de Phil Woods. La musique de Monk possède un vocabulaire riche et singulier. Alors, pour réaliser son désir de jouer Monk, le saxophoniste n’hésitera pas à bosser ! Il apprendra sa musique « de cœur » qu’il décidera de façonner au fil du temps. Il en a les moyens !
C’est lors d’un enregistrement avec ses deux compères de route que le déclic se fera et que l’album "Kubic’s Monk" verra le jour, avec ce jour là en invité, un quatrième homme, le trompettiste Ambrose Akinmusire.
La musique de Monk rend joyeux dit-on. La richesse de ses thèmes est effectivement picturale. Tension et détente seront, de ce fait pour le saxophoniste, deux mots clefs dans l’histoire qui se construit chaque fois au fil de ses concerts. Les morceaux sont ordonnés et joués pour répondre à cette exigence de narration musicale.
Même si le jazz n’est pas la musique de base du musicien breton, (il le reconnaît), il l’aime ! Et tient à préciser à cette occasion que le jazz est avant tout américain, Pierrick en a d’ailleurs goûté tous les charmes en compagnie de plusieurs jazzmen, lorsqu’il a séjourné pendant plusieurs mois à New York et dans les clubs de la Grosse Pomme.
Pour pallier l’absence des riches accords plaqués par Monk, il fallait donc créer des arrangements spécifiques aux touches multiples, maîtriser parfaitement l’écriture et la grille pour faire vraiment « sonner » les morceaux choisis. Pour cela, Pierrick a su mémoriser les accords d’origine. Thomas Bramerie joue les notes adéquates qui guident le saxophoniste et lui permettent ainsi de soutenir son propos. Frank Agulhon, mèche de cheveux expressive, souriant, portant sur son tee-shirt le visage de James Dean, travaille ses peaux, caresse les cymbales, utilise toutes les percussions qu’il a choisies et disposées à portée de mains, pour exprimer sa passion pour l’auteur et ainsi établir avec ses deux partenaires l’indispensable connexion Monkienne. Il s’agit bien dans ces moments là de construire une solide symbiose.
Ainsi, au fil des minutes qui s’enchaînent, le groupe peut vivre pleinement cette musique et la faire partager à son public, même si celui-ci n’est pas forcément connaisseur ou acquis d’avance.
Pierrick, attentif, toujours un œil sur les spectateurs, veut sans doute les surprendre agréablement. Il surveille leurs réactions. En rythme, il avance et recule et se met dans la peau de celui qui influença de manière prépondérante le jazz moderne.
Beaucoup de musiciens passionnés comme ceux du Trio Pedron ont écouté des centaines de fois, jusqu’à les user, les "33 tours" du grand Maître, l’un des pionniers du be-bop. Plus tard, ses adeptes ont relevé durant des heures ses solos, pour aujourd’hui s’en inspirer et les transmettre à leur manière, aux jeunes générations.
Monk a d’ailleurs côtoyé toute sa vie des saxophonistes qui se sont enrichis de sa musique : on venait chez Monk pour jouer et pour apprendre. _ Aujourd’hui, venir écouter Monk joué par un saxophoniste comme Pierrick Pedron, c’est aussi l’occasion d’imaginer toute la dextérité du jeu de mains de ce pianiste hors normes, génie de l’instrument, disparu en 1982 mais toujours là avec ses compositions immortelles.
LA VAPEUR CLUB - 42 avenue de Stalingrad 21000 Dijon - jeudi 10 avril 2014 - 20h30
Pierrick Pedron Trio "Kubic’s Monk" + John S. Fox trio
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