L’art du duo au service d’un restaurant nommé Le second souffle...
Vingt-huitième étape
Nous revoici, nous revoilà. On va bientôt planter les tomates. Les haricots, c’est fait. Les fraises aussi. En attendant que ça pousse, ce soir, on mange oriental au Second Souffle, restaurant sympathique qui, outre sa gastronomie ensoleillée, possède une autre particularité, celle de donner carte blanche à des artistes régionaux évoluant dans le genre qui nous est cher. En ce jour pluvieux, jour qui vit fleurir les œillets au Portugal (1974), naître la grande Ella (1917) et mourir ce bon vieux Dexter (1990), il était donc possible, confortablement installés devant un tajine, d’écouter Watchdog (Anne Quillier & Pierre Horckmans), duo dont nous espérions qu’il pincerait nos pavillons. Enserré par les conversations et autres bruits de verres et de couverts, façon Birdland années cinquante, Watchdog terminait là une résidence de cinq jours avant d’enregistrer bientôt le fruit de leurs explorations sonores autant que mélodiques. De nouvelles compositions, d’autres déjà connues et un standard, Beatrice, abordé dans ses recoins ombrés avec un bel aplomb et beaucoup de respect. Trois sets pour un duo. Trois pour deux, cela peut paraître bizarre. Sauf si l’on compte la musique. Le duo, c’est beau. Parce que c’est plein de regards. Parce que c’est plein de sourires. La musique trouve là son supplément d’âme. Le marteau a besoin de sa corde, la clarinette de ses clefs, les deux ont besoin de résonance et d’air. Elle et lui ont besoin de musique. Le duo, c’est beau car c’est intime, actuel (in time) et atemporel. Ça laisse des traces. Ça donne au sensible un contour sans s’occuper du temps qui vient. Car quand vous posez un son sur un silence, vous offrez du sens à celui qui vous écoute. Si l’on osait paraphraser Rilke, on écrirait qu’une note, c’est toute les notes, et celle-ci, l’irremplaçable… plus qu’une autre, peut toucher l’auditeur. Enfin ça, c’est pas gagné d’avance. Ma voisine de droite, la brune assise avec ses copines, elle tournait de temps à autre son agréable visage vers la scène et, dans ses yeux interrogateurs, le vide exprimait parfaitement son inhérente spatialité. Mais peut-être était-ce une forme aboutie de perception extra sensorielle qui, dans l’instant, nous dépassa. A chacun sa cosmogonie et les étoiles seront bien (re)gardées. Ce qui me fait soudainement penser que le duo est un paysage qui ne vit que par son ciel. Parce la musique s’élève. C’est ainsi qu’ils nous attrapent les duettistes. Ils projettent leur cartographie céleste au-dessus de nos têtes. C’est l’art du duo. Ils sont un plus un et, en se multipliant à l’auditeur, un par un, ils font toujours deux. Dois-je en parler à la voisine précédemment citée ?
Journée de repos - 30 avril 2015
C’est Jazzday. La fête au Jazz, nom de Dieu ! Le jazz, c’est comme le paludisme, la myopathie, les grand-mères et les secrétaires. Une journée par an, ça suffit bien. Mascarade ? On parade un jour par an pour dire qu’on crève la gueule ouverte tout le reste du temps, ce qui fait somme toute trois cents soixante quatre journées dont certaines sont longues comme un jour sans pain, au propre et au figuré. Mais bon, c’est bien, on est encore vivant. Alors on est content. Sont-ils contents ceux qui galèrent pour de misérables cachets (quand ils en trouvent) ? Allez, faites pas chier, on ne vous a pas obligés. Après tout quoi, un idéal, est-ce fait pour être atteint ?
15 mai 2015
The thrill is gone. B.B.King en a fini avec la vie. Il avait sorti le blues des bas-fonds pour l’amener au Carnegie Hall et à travers le monde. Né dans une plantation de coton, élevé par sa grand-mère, il a fait la route et fréquenté ses travers avec un sacré sourire et un bel accord avec sa Lucille. Tout le gotha musical s’est prosterné devant lui mais il nous semble qu’il s’en foutait un peu. Celui qui le soir de l’assassinat de Martin Luther King, en avril 1968, avait improvisé un concert avec son disciple Buddy Guy et Jimi Hendrix, celui qui jouait dans les prisons, était cool. Sur le tard, diminué, il avait encore l’air heureux de jouer sa musique. C’est en tout cas l’impression qu’il nous a laissé la dernière fois qu’on l’a vu, en 2005. Dommage, comme lui, we needed more.
Dans nos oreilles
Chet Baker - The Touch of your lips
Indra Rios Moore - Heartland
Sous nos yeux
Chimamande Ngozi Adichie - Nous sommes tous des féministes
C.F.Ramuz - La pensée remonte les fleuves