À Caen, les 25 et 26 septembre, le Collectif Jazz de Basse-Normandie fêtait ses vingt ans dans le cadre de son festival PAN !, troisième édition.
PAN ! Comme un coup de feu qui retentit. Non, pas pour l’ouverture de la chasse ! ce n’est pas vraiment l’esprit, mais le pistolet du starter : c’est parti sur les chapeaux de roues pour la nouvelle saison du Collectif Jazz de Basse-Normandie avec un mini-festival qui fédère les énergies, rassemble l’équipe, mobilise les curieux aux oreilles ouvertes et donne envie d’explorer toujours et encore de nouveaux espaces musicaux. C’est aussi l’occasion de célébrer un anniversaire : le collectif a 20 ans.
Bel anniversaire : joyeux, inventif, festif et créatif ! Tout ce qu’on aime !
Nos lecteurs attentifs vont froncer les sourcils... Quoi, il aime ce petit festival et passe pour une peau de vache à l’égard d’autres, bien plus grands, bien plus clinquants, bien plus médiatiques ? Eh oui ! C’est comme ça, et au risque de se répéter, nous sommes avant tout sensibles au travail des petits artisans qui œuvrent dans la durée avec le souci d’une démarche artistique cohérente.
Alors vache qui rêve d’un côté (lire ici !) et vache qui rit de l’autre... Car en plus, cette édition de PAN ! nous a bien fait marrer et ça, on aime aussi ! Cette hilarité, on la doit à la bonne humeur générale et, en particulier aux interventions des deux animateurs de Radio-Barzarnaom, experts en happening burlesque et déjanté qui ont investi les changements de plateaux avec la collaboration active de membres du collectif qui ne manquent pas d’humour (les trompettistes Samuel Belhomme et Simon Deslandes en particulier).
Certes, ce festival ne roule pas sur l’or, organisé à La Fermeture Éclair (ancien bâtiment industriel et lieu culturel éphémère, créé et géré par l’association AMAVADA), il s’appuie sur l’énergie du collectif pour construire un programme qui privilégiait cette année les petites formes : duos essentiellement, trio, quartet... En conclusion de l’événement, la fête d’anniversaire prenait la forme d’un bal avec une formation issue du collectif jazz qui a vu se succéder sur scène nombre de musiciens, membres du collectif qui intervenaient à tour de rôle ou invités comme Élise Caron, toujours prête à s’impliquer dans des formules singulières.
Un beau succès avec une fréquentation qui a donné le sourire aux responsables du collectif, une ambiance chaleureuse et détendue, un public curieux, attentif : ce festival est un beau lancement de saison car désormais, la fête continue à travers les rendez-vous réguliers proposés par le collectif Jazz de Basse-Normandie. On trouvera tout ces informations indispensables sur leur site internet, ici !
> vendredi 25 septembre
Ce vendredi, la flûtiste Naïssam Jalal inaugurait une formule en trio. Nous connaissions son quintet Rhythms of Resistance (avril 2015 - lire ici) qui permet de mesurer les qualités de cette musicienne entendue aussi aux côtés du contrebassiste Hubert Dupont. On perçoit le même engagement, la même conviction dans la formule légère du trio où l’on retrouve la contrebasse de Matyas Szandai. Une musique aux couleurs moyen-orientales qui résonne dans l’actualité lorsque Naïssam Jalal évoque ses proches restés dans la tourmente syrienne mais qu’elle dissuade de quitter le pays en les aidant de son mieux : une vraie volonté de résistance et un beau moment pour lancer ce festival.
Naïssam Jalal : flûte, compositions / Matyas Szandai : contrebasse / Wassim Helal : percussion
Le saxophoniste Yann Letort poursuit son aventure musicale autour de la musique et de l’esprit de Thelonious Monk avec une formule complètement renouvelée depuis l’origine (lire ici, en 2008). Explorer l’œuvre de Monk sans instrument harmonique n’est pas nouveau mais ce groupe propose une relecture qui ne manque pas d’originalité avec de beaux jeux de couleurs lorsque le saxophone baryton de Y. Letort (connu surtout au ténor jusqu’alors), s’associe à l’alto de Martin Daguerre. Une musique de caractère libre, inventive et respectueuse de l’héritage du jazz : convaincant !
Yann Letort : saxophones ténor et baryton / Martin Daguerre :saxophone alto / François Demichelis : contrebasse / Jean-Luc Mondelice : batterie
On a frôlé le drame lorsqu’une baguette a "échappé" au batteur Edward Perraud pour atterrir sur la nuque d’Élise Caron ! Laquelle est entrée immédiatement dans un de ces délires dont elle a le secret pour déclencher, une fois encore l’hilarité générale. Ça aurait pu être bien pire avec ce batteur habitué des lancements d’objets divers... Il faut dire que ces deux pitres néanmoins brillantissimes musiciens s’y connaissent pour improviser de bout en bout un concert totalement délirant. Les moments d’extrême intensité inventive alternent avec quelques passages plus flous, histoire de recharger les batteries avant de déchaîner de nouvelles vagues bouillonnantes d’énergie. Un jeu périlleux de funambules maîtres de leur art.
Élise Caron : voix et flûte / Edward Perraud : batterie, percussions, guitare électrique, électronique
Nous n’avons pas pu assister à la conclusion de la soirée avec le groupe Zetlab...
> samedi 26 septembre
Après une balade botanique agrémentée d’une rencontre musicale et botanique improvisée sur la Presqu’île de Caen, le festival réintégrait l’espace très convivial de la Fermeture Éclair...
Spécialiste reconnu de la guitare manouche aujourd’hui installé dans la région nantaise, Daniel Givonne retrouvait "sa" ville de Caen avec beaucoup d’émotion. Une émotion qui fut présente d’un bout à l’autre de cette rencontre en duo (une "première" absolue) avec le bouillonnant guitariste burkinabé Abdulaye Traoré. La magie de la musique a opéré à travers des échanges chaleureux, sans concessions où la virtuosité n’a jamais tourné à vide. La public, transporté, leur a fait un triomphe mérité !
Daniel Givone : guitare acoustique / Abdulaye Traoré : guitares
De l’art et la manière de s’adapter à une situation inattendue ! Le guitariste Manu Codjia a fait faux-bond pour ce concert caennais... Un "empêchement" qui a contraint ses deux compères habituels (depuis une quinzaine d’années tout de même !) à jouer en duo. On n’avait rien à craindre avec la qualité d’instrumentistes et la connaissance mutuelle entre Matthieu Donarier et Joe Quitzke. Ils ont adapté leur répertoire fait de compositions d’improvisations et de réinterprétations de chansons (Brassens, leur préféré !) en forme de dialogue toujours inspiré, laissant des espaces à la musique sans chercher à combler l’absence de leur compagnon de route. Un concert sans tensions, d’une grande intensité... On attend la suite, peut-être la naissance d’une nouvelle formule ?
Matthieu Donarier : saxophones ténor et soprano / Joe Quitzke : batterie
Le hasard a fait que le duo Petite Vengeance (saxophones, batterie) a succédé au précédent. Une occasion de faire le tour d’une formule pourtant assez délicate.
Issus du collectif rouennais Vibrants Défricheurs, membres du groupe Papanosh, Jérémie Piazza et Raphaël Quenehen construisent depuis quelques années une formule en duo qui se fait une solide réputation accentuée pas leur sélection dans la tournée Jazz Migration 2015 (AJC Jazzé-Croisé). Le succès de Petite Vengeance tient dans la manière dont ils ouvrent l’espace du duo en diversifiant les saxophones (Raphaël Quenehen) et en ajoutant la guitare (et quelques boucles bien maîtrisées) à la batterie pour Jérémie Piazza, musicien polyvalent du blues au free ! Nous avons eu l’occasion à plusieurs reprises de dire beaucoup de bien de ce duo mais il serait temps, sans doute, de renouveler un peu les ingrédients du répertoire ?
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Jérémie Piazza : batterie, guitare, boucles électroniques / Raphaël Quenehen : saxophones et appeaux, sifflets
Et ensuite, viva la fiesta ! En ouverture du bal, la Fanfare Demi-Écrémée a investi la salle comme elle l’avait fait en extérieur et à plusieurs reprises au cours du festival, complétée ensuite par un brass-band improvisé composé des membres du collectif, l’occasion de quelques jeux de direction gestuelle (façon soundpainting). L’atmosphère s’est rapidement échauffée, ce fut donc le moment de lancer le bal, joyeuse union de la musique et de la danse autour de chansons de tous âges réinventées à la façon "Collectif Jazz" donc avec imagination et parfois impertinence dans un va -et-vient d’instrumentistes, de solistes et d’invités bien orchestré. De la musique vivante dans un lien fort avec le public : c’est chaleureux ça fait du bien !