Quarante-cinquième étape

22 octobre 2015. Mark Murphy est mort aujourd’hui. Il ne semble pas que cela ait intéressé grand monde. Dommage qu’un tel vocaliste, un parfait hétérodoxe qui dépoussiéra le chant jazz masculin avec une sorte d’élégante désinvolture dans le placement des mots, soit tombé dans un relatif oubli avant même d’en avoir fini avec la vie. Du disque fondateur « Rah !  » en 1961 aux derniers albums pour Verve « Once for every heart  » et « Love is what stays », celui dont Ella Fitzgerald disait « It’s my equal  » a marqué d’une incontournable empreinte son art et son époque, notamment grâce à un feeling d’une sensibilité déstabilisante. Son dernier album (autoproduit) « A Beautiful Friendship : Remembering Shirley Horn  » date de 2013. Requiescat In Pace.


Jeremy Pelt
Jeremy Pelt

Le 23 octobre est le jour où en 1817 naquit Pierre Larousse. Ne le connaissant pas, j’ai ouvert un dictionnaire. En 2015, c’est le jour où Jeremy Pelt est passé au Crescent à Mâcon avec Simona Premazzi au piano, Josh Ginsburg à la contrebasse et Darrell Green à la batterie. Ils sont veinards les mâconnais. À l’heure où bien des clubs souffrent, ils bénéficient d’une nouvelle salle, un nouveau club, qui a fort belle allure. Pelt, qui connut l’ancien Crescent, n’omit pas de mentionner son plaisir à la découverte de cette nouvelle salle. Quant à la musique, pas de surprise notable dans ce néo hard bop qui peine à s’affranchir d’un arrière plan académique tenace. Le premier set fut dédié à la musique, le second à la performance et à l’entertainment (comme on dit là-bas). Professionnel, en un mot. Pas désagréable, loin s’en faut, mais un peu court en bouche. S’il est indubitable que Jeremy Pelt est un trompettiste d’une envergure avérée, au jeu puissant et clair, un compositeur non dénué de qualités, il devrait cependant ne pas se contenter de ce qu’il est déjà et oser voir plus loin afin de se déshabituer par avance de la routine qui le guette.


Théâtre de Roanne
Théâtre de Roanne

Le 24 octobre vit le pérégrin se rendre au très beau théâtre à l’italienne de Roanne où Carla Bley, Steve Swallow et Andy Sheppard avaient momentanément posé leurs partitions, 24 octobre qui, soit dit en passant est le jour anniversaire de la mort d’Hugues Capet (996) mais également la Journée des Nations Unies. Autour de quoi ? Nous nous le demandons souvent. Mais c’est mieux que rien.

Dans cet écrin à l’impeccable acoustique, quoi de mieux qu’un jazz de chambre savamment composé par une musicienne dont l’originalité, reconnue et encensée, n’a d’égale que la simplicité ? Rien. Steve Swallow apporte la marqueterie boisée, Andy Sheppard toutes les nuances du souffle et Carla Bley les notes choisies pour un dialogue triangulaire enclos dans des compositions millimétrées d’où émergent quelques traits ingénieusement improvisés. Que la dame d’Oakland avoue l’influence de Mendelssohn sur un titre, qu’elle livre une nouvelle suite racontant une histoire d’addiction et de rédemption ou qu’elle revienne à une pièce plus ancienne empreinte d’un swing sidérant, Ups and downs, elle impose à chaque instant un discours sensible et généreux qui doit à la mélodie ses plus beaux atours. Steve Swallow et Andy Sheppard, comme toujours stupéfiants d’aisance, n’accompagnent pas ; ils participent foncièrement aux créations de cet artisanat d’art dont la finesse naturelle éloigne sans effort la plus infime des outrances sonores. Pesée, soupesée, comptée, chaque note est une ouverture divinatoire sur un univers définitivement poétique. On ne s’en lasse pas. Comment le pourrait-on ? Nous sommes de grands rêveurs.


Dans nos oreilles

Marc Copland Trio - Haunted heart & other ballads

Sous nos yeux

Susan Power - Danseur d’herbe