Soixante-troisième étape

Rien de notable n’est survenu dans notre vie de jazz le samedi 26 mars. Dans notre vie de lecteur, la disparition de Jim Harrison a hélas marqué la fin d’une œuvre aussi imposante que pouvait l’être son auteur, une œuvre agitée par la force venteuse des grands espaces et sachant néanmoins traiter l’introspectif avec une acuité manifeste et un art consommé du juste mot.

Theatre antique

Quant au 29 mars qui suivit, c’est un jour aimé des aspirateurs puisqu’il vit naître en 487 Maclou, l’un des sept saints fondateurs de la Bretagne reconverti depuis dans la vente de moquette. Plus près de nous, ce jour vit naître le regretté Michael Brecker (1949) et mourir le non moins regretté pape du Third Stream, John Lewis (2001). Le 29 mars 2016 fut, lui, le mardi où nous allâmes à la conférence de presse du Festival Jazz à Vienne, événement printanier que nous n’avions plus fréquenté depuis quelques années. Après les discours d’usage du maire de Vienne et du nouveau directeur (en mode manager), Samuel Riblier, Benjamin Tanguy présenta les festivités. Nous retînmes d’abord le trio Scofield-Mehldau-Guiliani, puis Randy Weston et Chick Corea en quintet. Nous notâmes également la venue d’Esperanza Spalding qui devrait présenter son projet un tantinet déjanté autour d’Emily D. En fouillant un peu, si l’on aime se coucher tard, Armel Dupas, James Carter et Sons of Kemet seront au Club de Minuit ainsi que Iiro Rantala et Kevin Seddeki. Notons à Cybèle la présence de Pierre De Bethmann (qui mériterait mieux). D’une manière générale, la programmation présente une légère amélioration. L’originalité n’est cependant pas encore au rendez-vous et l’on n’évitera pas Diana Krall ou encore Seal (qui demeurera toujours celui par lequel le playback est arrivé sur la scène du théâtre antique). Est-ce une année de transition avant d’autres aventures ? Nous attendons de voir mais ne nous berçons pas d’illusion, la rentabilité ne faisant pas semblant d’être une priorité. Ce n’est pas feu le Jazz Mix, réduit à deux journées, qui nous dira le contraire.


Soixante-quatrième étape

Marvin Parks

Ce 2 avril 2016 nous retournâmes au concert sous La clef de Voûte pour une soirée « tribute to Marc Thomas. » Une belle idée et une belle soirée qui nous permit de découvrir Marvin Parks, un vrai « Jazz Singer » américain arrivé en Paris deux ans auparavant et passé des couloirs du métro au Sunside en un tour de main, ou plutôt de chant. Mais qu’est-ce qu’un vrai Jazz Singer ? En l’occurrence un gars d’une quarantaine d’années, originaire de Baltimore (Oriole ?) fan de Nat King Cole et Sarah Vaughan, élevé par une mère chanteuse de Gospel, un type simple qui chante sans détour « the great songbook » avec une voix précise mais pas affectée, moelleuse sans être molle et capable de scatter avec élégance sans jamais rechercher une performance vocale outrancière. De fait, c’est un crooner, sans les cordes de l’orchestre, mielleux à souhait, qui désespéra trop souvent notre enfance. Accompagné par Olivier Truchot au piano, Benjamin Guyot à la contrebasse et Andrea Michelutti, compagnon de route de Marc Thomas, à la batterie, Marvin Parks proposa deux sets d’autant plus convaincants qu’aucune balance n’avait été réalisée du fait de quelques errements ferroviaires… Ce qui donna lieu lors du second set à un savoureux échange piano/voix visant à mettre en place un On the sunny side of the street repris ensuite à la volée pour le plus grand plaisir du public. Tel un distributeur de standards (Just in time, Honeysuckle Rose, Tenderly, Swingin’ shepherd blues, etc), ce chanteur décontracté, presque insouciant, fit montre en toute circonstance d’un bel aplomb, parfaitement aidé (cadré) par le pianiste et une rythmique pour le moins efficace. Il retint même notre attention avec une belle version du monumental Lush life de Billy Strayhorn (1933, le compositeur n’avait que 18 ans). Dans un club bondé (c’est toujours plaisant), le swing n’a rien lâché. Y a-t-il un rabat-joie pour s’en plaindre ?

Notez aussi, chers lectrices et lecteurs, que le 2 avril n’est pas une date anodine puisqu’il vit Pompidou (auteur d’une Anthologie de la Poésie Française fort académique, mais tout de même …) quitter sa fonction présidentielle avant l’heure (1974) et Buddy Rich lâcher ses baguettes (1987). Toutefois, afin de garder le sourire, souvenez-vous que ce jour a vu naître Zola (1840) et Gainsbourg (1928), Marvin Gaye (1939) et Emmylou Harris (1947). Ce fut encore le jour de sortie du téléphonesque Crache ton venin. Et même que l’on s’en souvient…


Dans nos oreilles

Mark Murphy – A beautiful friendship, remembering Shirley Horn

Sous nos yeux

Julie Rossello – Duo (lorsqu’un oiseau se pose sur une toile blanche)