À Vienne, le retour, le très bref retour.
Soixante-quatorzième étape
Trois ans déjà que nous ne fréquentions plus la fosse du théâtre antique de Jazz à Vienne. Fichtre ! Au gré d’un changement de direction, l’envie nous prit illico subito de tenter un retour, de voir s’il était encore possible de dignement exercer l’art photographique qui nous émeut et qui, par le passé, dans ce lieu chargé de bons et beaux souvenirs, se heurta à des contraintes souvent hallucinantes, quelquefois délirantes et toujours odieuses car la matière qui les constituait était, dans le meilleur des cas, un savant mélange d’irrespect et de mépris.
En ce 28 juin 2016, jour qui vit disparaître le cornettiste Red Nichols (1965), nous étions par avance heureux de retrouver des copains photographes venus de loin avec lesquels l’échange a lieu surtout lors des grands festivals estivaux. Cool. Seulement voilà, nous constatâmes ce jour-là que nous avions commis un acte manqué en remplissant notre demande d’accréditation ! Pas d’Ibrahim Maalouf pour nous. Le plus amusant dans cette affaire est que nous aurions perdu du temps si nous avions usé de notre appareil photographique. Oui, oui, la production du trompettiste ne faisant pas dans le quart de ton, elle aurait voulu que nous signâmes un contrat nous interdisant de vendre nos clichés à une agence et, en sus, que nous les utilisions uniquement sur une durée de trois mois. Certains collègues s’abstinrent de travailler, d’autres non.
Ce matin, en réfléchissant un instant à ce type de pratique importée des États-Unis et illégale dans notre pays, la première réplique qui nous vint à l’esprit est la suivante : « Et mon cul, c’est du poulet ? » Quant à la deuxième, ce fut de nommer la jurisprudence qui nous dit que « tout personnage public peut être tacitement photographié dans l’exercice de ses fonctions à des fins d’information ou d’archivage historique. » Point barre.
Ce 29 juin 2016 : Erik Truffaz, d’une part, et un hommage à Chet, d’autre part. De la pluie en sus. Pour tout vous dire l’hommage à Chet qui débuta la soirée ressemblait à un fourre-tout. Ce doit être une invention de producteurs, histoire de faire tourner les artistes. Et que je te mélange jazz et variété avec une brochette d’artistes propres à remplir un amphithéâtre, et que je te colle une bande-son « émouvante » de Chet (c’est la caution tout de même), et que j’appelle à la rescousse Riccardo Del Fra (l’autre caution morale), et que je te massacre « My Funny Valentine » bien que la chanteuse n’ait pas démérité (mais bon, c’est pas son truc) et que… et que Piers Faccini nous a paru inspiré et donc au-dessus du lot, mais que cela n’a pas été suffisant pour nous sauver de l’ennui. Et que… toujours par temps humide, Erik Truffaz a clos l’affaire en faisant du Erik Truffaz. Il le fait très bien d’ailleurs. Avec Oxmo Puccino. Il pleuvait encore. C’était râpé.
Nous aurions dû revenir à Vienne pour plusieurs dates cette année. Mais après l’accueil charentais du Respire Jazz Festival, faire des kilomètres journellement pour trois morceaux nous inclina à la paresse. Le seul concert qui nous tentait vraiment était le trio Mehldau / Scofield / Giuliana. Manque de chance, hélas trois fois hélas, les photograph(i)es étaient interdit(e)s. Ayant déjà eu l’occasion de discuter avec le guitariste et de le photographier par le passé, sachant que le batteur n’a pas à ce jour les faveurs d’une couverture médiatique starificatrice, nous convînmes donc que l’oukase venait de la production du pianiste, d’autant qu’on nous avait déjà fait le coup il y a quelques années, toujours à Vienne. À moins que Brad M. soit en voie de jarrettisation. C’est possible, après tout. On ne lui souhaite cependant pas car c’est bien triste. Pour conclure, une fois encore, l’espace public fut sauvagement privatisé au mépris du droit français et les organisateurs qui ne mouftèrent pas firent à l’égard des photographes qu’ils avaient accrédités une entrave au droit du travail. Mais tout le monde s’en fout et chacun avance en fixant son nombril. Le collectif, c’est juste bon pour le foot. Au final, tout le monde perd. Ah ! savourer un porto paisiblement assis à une terrasse lisboète....
Aujourd’hui 14 juillet, jour de naissance de Gustav Klimt (1862), de Woody Guthrie (1912) et de Natalia Ginzburg (1916). Nous décidons d’attendre calmement Jazz Campus en Clunisois, sans omettre cependant de vous informer du fait suivant : Billy The Kid fut abattu par Pat Garrett un 14 juillet (1881). Pfff !
Dans nos oreilles
Wolfgang Muthspiel - Driftwood
Devant nos Yeux
John Kennedy Toole - La conjuration des imbéciles