Le jour où Lubat Bernard opéra à l’Opéra de Lyon en bonne compagnie.
Cent quatrième étape
À l’Amphi de l’Opéra de Lyon où Bernard Lubat posait sacs de mots et autres valises de sons (avec en ce 14 avril 2017 Fabrice Vieira, à la guitare et à la voix, Louis Lubat à la batterie et Louis Sclavis et sa clarinette basse), pour quelques jours de résistance résidente entre Rhône et Saône ; une soirée au long cours musical a priori très rafraîchissante. Quant au 14 avril 1912, il fut également question d’eau et de fraîcheur ce soir-là puisque le Titanic y goûta plus que de raison en caressant du museau un iceberg. À ce jour, parmi les suites catastrophiques de ce douloureux événement, on compte un film. Mais le 14 avril 1912 vit également émerger à la surface du globe qui nous englobe Robert Doisneau, ce qui est encore aujourd’hui l’image même d’une grande consolation, n’est-ce pas ? Sachez encore que W.A. Brennan, premier violon du London Symphonic Orchestra, eut la généreuse idée de rater son embarquement à bord du paquebot maudit (un 10 avril 1912). Bien lui en prit puisqu’il devint par la suite le grand-père maternel de Philip Catherine ; là, pour le coup, cela aurait manqué à l’histoire européenne de la guitare jazz. Et du swing laid back (pléonasme) du bruxellois à l’improbable improvisateur et Commandeur Requis de la Grande Gidouille, il y a manifestement un grand pas que nous franchissons allègrement pour dire et redire sans médire qu’aujourd’hui, comme demain, l’uzestois peut se targuer d’une anti-carrière singulièrement réussie au service militant d’une création innervée sans préméditation dans l’impromptu musical entre collègues du grand collège des énervés réunis pour la cause, la très bonne, celle qui sonne et résonne et détonne. Peut-on parler de culture pour le coup ? Pas celle aseptisée que nos sociétés agonisantes assènent à l’envi à celles et ceux qui ne peuvent s’en défendre, mais bien de cette Culture sans laquelle un être ne devient ni humain, ni social. En ces temps électoraux, Lubat les mots met bas les masques (puisqu’ils n’ont rien à cacher, dixit Bernard), enflamme le clavier, tire sur ce qui ne bouge pas, laisse rebondir sur les cordes l’instemporel, envoie sa bafouille archéo-politique aux faces (pourvu qu’elles ne s’affaissent) complices (Ah Voltaire ! mon vieux…) d’un public impliqué. Avec lui, deux Louis et un Fabrice lui donnent l’échange, roulent des mécaniques huilées, enchaînent sur du vocabulo-buildé, du souffle et du cri, du corps accord à l’éternel instant. Là où chassent les mots, les déchaussés du cerveau s’égarent. Le gascon cerné d’idées halle les matières états d’urgence de la poésie verbale. La musicale l’amuse, surtout quand la muse abuse avec rapacité du contexte et dévoile la vapeur des mots de l’artiste invétéré baignant depuis tant d’années dans le verbiage des âges du verbe et de sa verve.
Bernard Lubat chapeaute sa création du haut de la forme, laisse croire que le rire félin est son chapitre premier. Il faut à tout le moins fracturer l’évident pour s’apercevoir que les réalités tapies du fond profond sont son grand œuvre et l’entière exigence de sa recherche. Et bonjour la compagnie.
Dans nos oreilles
Arthur Blythe - Blythe Spirit
Devant nos yeux
Pierre Bergounioux - La ligne