Le magnifique projet du contrebassiste continue de vivre et de se transformer 7 ans après sa création à Marciac. Il était présenté en quintet au Domaine de Fontblanche le samedi 24 mars.
Voilà bientôt 30 ans que Chet Baker disparaissait le 13 mai 1988 à Amsterdam. Le contrebassiste italien Riccardo Del Fra, qui dirige le département Jazz et Musiques Improvisées au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, et a joué avec Chet pendant presque 10 ans depuis la fin 1979, en collaborant à douze disques, a du mal encore à le réaliser tant il est encore présent dans sa tête. C’est ainsi qu’il a conçu le projet « My Chet My Song » en 2011 à Marciac avec Roy Hargrove à la trompette, Pierrick Pedron au saxophone alto, Bruno Ruder au piano et Billy Hart à la batterie avec l’orchestre du Conservatoire de Toulouse. Le disque à proprement parler est ensuite sorti en septembre 2014 en quintet où Airelle Besson remplace Roy Hargrove, accompagné par l’orchestre du Deutsches Filmorchester Babelsberg (lire ici...). Le succès est aussitôt là avec cette évocation du monde poétique dans lequel le trompettiste l’avait entraîné, qui ne se dément pas concert après concert, lesquels deviennent une matrice évolutive où différents musiciens permutent. Ce n’est jamais un remake ni un énième hommage, ni une imitation de Chet Baker, mais une évocation pleine de respect pour ce monde mystérieux et tourmenté que représentait le trompettiste.
Ce soir, une partie des musiciens arrive d’une tournée dans le nord de l’Europe, la Suisse et l’Allemagne avec autour du contrebassiste, le fidèle Pierrick Pédron au saxophone alto, le jeune et très demandé pianiste Carl-Henri Morisset, le talentueux batteur également très recherché Ariel Tessier et un jeune trompettiste polonais à la renommée croissante en Europe, Tomasz Dabrowski qui se partage entre le Danemark et la Suède. Le contrebassiste quant à lui termine une tournée de onze jours avec chaque fois une nouvelle contrebasse, une véritable histoire d’amour où le dialogue est à réinventer chaque soir !
Un concert en deux sets où les musiciens descendent de la scène et discutent en toute amitié chaque fois avec le public et l’amour de la musique qu’ils jouent est infiniment palpable. On entendra ainsi Béatrice de Sam Rivers avec une transcription d’un solo de Chet tiré du disque « Mr B » où Michel Graillier était au piano avec Riccardo Del Fra à la contrebasse en 1983 entre les solos de Pierrick Pédron et de Tomasz Dabrowski très applaudis. Riccardo évoque le court-métrage de neuf minutes du réalisateur Bertrand Févre, « Chet’s Romance » avec le célèbre standard I’m a Fool to Want You (de Jack Wolf et Joel Herron, chanté par Frank Sinatra). À regarder absolument, ce projet ayant reçu le César 1989 du meilleur court-métrage documentaire.
Nous l’écoutons ce soir-là dans un duo contrebasse piano particulièrement émouvant. Riccardo lit aussi un beau texte en hommage à Chet : « Chet en noir et blanc, clair et obscur comme un météore… lumière et ombre… la lumière continue son tracé malgré les ombres... ». Joli medley ensuite entre But not For Me et Oklahoma Kid : « They’re writing songs of love, but not for me, A lucky star’s above, but not for me », George Gershwin ayant composé les paroles. Le contrebassiste aime arranger mais aussi déranger, cela s’entend, il le dit d’ailleurs ! Il en va ainsi d’un arrangement pour Dave Liebman en duo I’m Old Fashioned de Jérôme Kern, suivi de If I Should lose You de Ralph Rainger, entamé par un très beau solo de Pierrick Pédron. Suit une superbe version de For All We Know que Riccardo aime particulièrement jouer non seulement pour la mélodie mais aussi pour les paroles qu’il commence à chanter en anglais : « For all we know We may never meet again Before we go Make this moment live again… ». Mais Chet jouait aussi la musique de compositeurs vivants, comme celle du pianiste et compositeur américain Richie Beirach avec son magnifique et nostalgique Leaving. Un rappel très demandé se fera sur There will Never be Another You composé par Harry Warren (quel solo de batterie fantastique ! ) et qui décidément ne pouvait mieux clôturer un concert ovationné très émouvant, très vivant, généreux et rempli d’amour pour la musique, n’ayons pas peur des mots. There will never be another you Chet !
Théâtre de Fontblanche
Vitrolles - 13
Samedi 24 mars 2018 - 21h
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