L’avantage avec l’inconnu, c’est qu’il nous laisse toujours quelque chose ou quelqu’un à découvrir. Étonnant, non ?
Troisième équipée
Me voilà ! Ne me cherchez plus. Depuis mon retour sur les terres d’exploration, je traque les sources du swing. Hier soir, 09 juin 2018, jour qui vit naître en 1891 Cole Porter, rien que ça, armé jusqu’aux dents de mes Iso, j’étais au Bémol 5, à Lyon, pour écouter Sylvia Howard, chanteuse de son état, accompagné par Bernard Jean au vibraphone, Benoit Thévenot au piano, Bernard Santacruz à la contrebasse et Samuel Silvant à la batterie. Sylvia Howard ? Le micro s’agenouilla quand elle approcha. Servile, il se soumit et attendit de rejoindre le paradis des microphones, priant pour qu’elle l’oublia, en rêvant de Françoise et Vanessa. Une façon comme une autre, avant l’entame, de faire comprendre au public que la dame de l’Indiana possède un organe vocal d’une rare puissance qui me secoua l’armure. Qui plus est, forte de quelques décennies de pratique scénique, elle sut également jouer avec la salle, notamment les premiers rangs, en s’amusant de son bilinguisme défaillant avec une feinte coquetterie et quelques marivaudages franco de port. Portée par un vibraphoniste Vibrionnant, un batteur rugueux, un pianiste attentif et un bassiste en granit, elle interpréta pour l’essentiel le songbook des racines. Il fallut bien tout cela pour canaliser la dame car elle démontra sa capacité à prendre le large, à virer de-ci de-là sans avertir quiconque, au gré de sa fantaisie. Elle enleva le premier à la volée (un coup droit de la Turner au passage) afin de scotcher l’auditoire fourni du club. Un second plus mid tempo pour renforcer le lien (on se connaissait, n’est-ce pas) amena le morceau de bravoure nécessaire à toute chanteuse de jazz qui se respecte, la ballade : « Sophisticated lady » du Duke himself (1933, paroles de Irving Mills et Mitchell Parish). Le genre de perle rare qui se refuse à bien des chanteuses et chanteurs mais qui ne l’inquiéta nullement. D’ailleurs, il me sembla que l’effrontée ne craignait rien ni personne. Un dernier rebond sur le « Just in time » qui débuta le premier set et l’affaire fut close. L’essence du jazz groovy avait brûlé les planches dans un club cosy où le bruit des couverts combattait la mesure comme au bon vieux temps. Ne manquait que la fumée et Lester sur la banquette causant avec Billie. A la place, non loin de la scène, côté cour pour être précis, il y avait une gamine qui jouait sur son téléphone. Je te jure...
Cogitant lors du retour au bercail, dans la nuit chaude et sale de la cité, je pensai tout de même que Sylvia Howard, avec un peu plus de rigueur et moins de versatilité, aurait pu faire une autre carrière. Mais qui sait par où elle passée, ce que la vie lui a réservé ? Ne jetons pas la pierre. Surtout pas moi, l’olibrius qui croit encore aux mirages. Disons que le Bémol 5 l’a accueillie, c’est mieux que bien, et qu’elle n’a pas failli à sa réputation dans toutes les acceptations du terme, ce qui pourrait être discuté dans des salons que je ne fréquente pas car du boulot sur terre, je n’en manque pas et j’ai encore des vers à lire en retard.
Dans nos oreilles
Joëlle Léandre & Elisabeth Harnik - Tender music
Devant nos yeux
Juslie Rossello-Rochet - Atomic man, chant d’amour - Part Dieu, chant de gare