Treizième équipée

A Saint Claude, à la Fraternelle, un samedi soir, j’allai écouter un double plateau où les femmes dirigèrent les opérations. Je fus heureux de retrouver le quartet « At Work » de la saxophoniste alto Géraldine Laurent en seconde partie de soirée avec Paul Lay au piano, Yoni Zelnik à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. Que du beau monde pour une musique pleine d’humanité, un jazz sachant d’où il vient et que la native de Niort marque indéniablement de son empreinte. Mené tambour battant, le set fut efficace et non dénué de ces petites surprises qui font qu’un concert demeure en mémoire. Je ne fus néanmoins pas entièrement convaincu car j’étais, malgré moi, resté sur la forte impression que me fit, en première partie de soirée le quintet de Lada Obradovic (Matthias Legner au vibraphone et marimba, Maxime Berton au saxophone, David Tixier au piano et Miha Koren à la contrebasse). Nous disions d’elle récemment qu’il y avait bien du je dans son jeu. Nous savons maintenant qu’il en va de même des compositions qui font l’objet de ce projet personnel. Je fus donc séduit par cette musique construite sur des mélodies aussi fortes que simples. Bien que ce quintet tourne peu, voire pas (trop cher me dira-t-elle après le concert), les musiciens maîtrisèrent le sujet avec une sensibilité et un talent qui correspondaient parfaitement à la subtilité des pièces écrites par Lada Obradovic. Ainsi donc j’eus le loisir de naviguer entre les notes, d’être embarqué dans un voyage musical dense, original et lyrique, porté par une évidente sincérité. Ce type de jazz contemporain aux couleurs très européennes, déjà très accompli dans sa forme, me permit d’entrevoir un futur pour cette jeune génération de musiciens qui aiment à mélanger les nationalités. Il y avait sur la scène de la Fraternelle (la bien nommée) deux français, un autrichien, un slovène et une croate ; un melting-pot réussi (en français dans le texte) qui prouva (c’est encore et toujours nécessaire) que les frontières sont une sale invention qui tentent inutilement de bloquer le passage des émotions humaines. D’ailleurs, ces lignes imaginaires, dénuées de substances, n’y parviennent jamais totalement. C’est ainsi qu’elles s’écroulent de façon régulière, siècle après siècle. Si les moulins disparaissent, le vent demeure. Et même quand il semble ne plus souffler, il agite encore l’esprit des musiciens de bonne volonté, l’esprit des poètes aussi.

Ceci se passait un 20 octobre 2018. Le même jour, en 1854 à Charleville, un petit Arthur naissait. Il fut explorateur, négociant et également poète. Un drôle de Zigoto à ce qu’on dit. En 1946, l’agoraphobe et nobélisée Elfriede Jelinek vit également le jour un 20 octobre. Ce doit être un bon jour de naissance pour les amateurs de mots et merveilles contrastés.


Dans nos oreilles

Pillip Johnston and The Coolerators - Diggin’ bones


Devant nos yeux

André Gide - Souvenirs de la cour d’assises


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