Seizième équipée

Pour ce troisième et dernier épisode rhinojazzingique de l’année, un 25 octobre, jour de la betterave… et jour de naissance de Katy Perry (1984)… (les deux mon capitaine ?), j’allai à la rencontre du groove, tendance funky, jazz fusion, etc, made in Poland, par la jeune Kinga Glyk, adepte avouée de Jaco Pastorius, que d’aucuns adoubent comme une nouvelle Esperanza Spalding, pas moins. Rencontrée à l’issue des balances, elle me confia qu’à trois ans, elle écoutait de la musique devant la radio en déclarant qu’elle était bassiste… Ce que l’on appelle une vocation précoce. J’appris également qu’elle avait commencé la scène à 12 ans. Dans son dernier album en date, le troisième, elle qui n’avait jusqu’alors joué qu’avec son père (batterie) et des musiciens proches du cercle familial, a changé le groupe. Greg Hutchinson, Tim Garland et le pianiste israélien Nitai Hershkovits l’on rejointe car, avoua-t-elle, elle avait besoin de musiciens force de proposition pour avancer. Dans son prochain opus déjà en préparation, elle aimerait inviter l’organiste et pianiste Cory Henry. Quand je lui demandai dans quel courant musical elle se situait, elle affirma se contenter de faire de la musique et de la faire le mieux possible en privilégiant l’émotion et la sincérité. Ce qui me convint.

Le soir, de retour à l’Astrée, sur le campus de l’université Lyon 1, il me restait à être convaincu. Accompagnée par son père, Irek Glyk à la batterie et Tomasz Bura au piano et autres claviers, la jeune vingtenaire fit parler la poudre et l’on sut d’emblée qu’elle n’était pas un phénomène de foire au joli minois mais bien une virtuose de la guitare basse. Dans le contexte musical qui fut le sien, je notai d’abord que le revival aura toujours du succès. J’entendis des sons de claviers qui me projetèrent dans les années soixante-dix, quatre-vingt. Sors de ce corps Joe Zawinul ! Et Dave Grusin aussi. Et tous les autres, surtout les pires... La demoiselle me sembla pour le moins hantée par cette époque. Est-ce la raison pour laquelle elle dédia une chanson à son rédempteur, bien connu sous le nom de Jésus Christ (le même que celui que j’avais imaginé croiser dans les toilettes du concert d’Anna Calvi marchant sur…) ? Côté musique, le pianiste démontra l’étendue de son talent, et je serais heureux de l’entendre dans un autre contexte, tandis que monsieur Glyk, plein d’entrain et d’amour pour sa fille, martela ses fûts avec un soupçon d’excès. Quand on aime, on ne compte pas, n’est-ce pas ? Ce fut donc festif et joyeux et souriant et charmant car Kinga Glyk est généreuse et ravie de ce qui lui arrive, sans être dupe, me sembla-t’il. A la fin du concert, après que le public « aux anges » se fut levé comme un seul homme pour saluer la performance, la polonaise (pas la numéro 6 dite « héroïque » de Frédéric C.) fit le rappel en solo, assise au centre de la scène, avec le « Tears in heaven  » d’Eric Clapton, le bien surnommé « God » (sans e), qui fit la connaître sur Youtube, la chaine (chain, chain…) où même l’impossible est possible pour le meilleur et pour le pire. Une soirée d’inspiration divine ? Pas tout à fait car l’inspiration de Kinga Glyk possède les limites que sa jeunesse lui impose. La musique, c’est toujours moins lassant avec des idées. Mais ce genre de handicap devrait s’effacer avec le temps. A condition que mademoiselle fasse preuve de curiosité et qu’elle sorte du pré carré haschtag funky, haschtag jazzfusion, haschtag jesèsplukoi dans lequel elle s’exprime depuis une décennie déjà et qui me semble d’une étroitesse sournoise propre à ravir un mastodonte de l’industrie musicale, le pire qui puisse lui arriver. Ceux qui veulent prier pour son salut musical le peuvent, je ne leur en voudrai pas.


Dans nos oreilles

Chantal Acda, Bill Frisell - Live at Jazz Middleheim


Devant nos yeux

Hubert Lucot - Sur le motif


http://kingaglyk.pl/
https://www.rhinojazz.com