Steve Potts, ce n’est pas tous les jours qu’on l’a sous la main. Les fondus suisses du saxophoniste avaient bien garni les rangs du Chorus. Il n’y avait plus qu’à faire chauffer...
Dix-septième équipée
Pour achever octobre, je choisis le 27, un samedi, comme dernière exhalaison jazzy de l’été indien désormais enterré sous les feuilles mortes. J’allai ipso facto à la rencontre de Steve Potts au Chorus de Lausanne. En bonne compagnie, avec Jobic Le Masson au piano, Peter Giron à la contrebasse et John Betsch à la batterie, il sut réchauffer l’atmosphère. Collaborateur de Steve Lacy durant trente ans, Steve Potts aime dans son jeu faire le grand écart stylistique, entre Lester Young et Coltrane, en passant par Henry Threadgill, Dolphy ou Parker, sous omettre de citer Charles Lloyd dont il fut l’élève, pour finalement aboutir à un style personnel aisément identifiable. La permanence chez lui est également à chercher dans la netteté du son qu’il produit. Tranchant, sans compromis, d’une précision qui n’exclut pas la nuance, bien au contraire, à l’alto comme au soprano, il impose naturellement le saxophoniste en leader incontestable d’un quartet dont il n’était originellement que l’invité puisque le trio existait sans lui. Mais comme il n’est pas dans la nature de l’individu de tirer la couverture à lui, le groupe demeure en toute occasion équilibré car amplement basé sur des affinités électives éprouvées de scène en scène depuis une bonne décennie. Sobre, et même économe quant aux moyens employés, il a illustré à la perfection durant les deux sets ce que l’art du partage bien senti apporte à un groupe : un genre d’évidence musicale où tout n’est que fluidité, justesse et empathie. Et que se passa-t-il dans la salle quand il en allait de cette manière sur scène ? Et bien le public s’échauffa, que dis-je s’agita et chacun montra à son voisin une trogne réjouie (cela fonctionne avec ou sans alcool). Les musiciens le sentirent et le virent (le club n’est pas si grand). Par voie de conséquence, ils donnèrent le meilleur d’eux-mêmes et ils jouèrent plus longtemps qu’à l’accoutumée. Le lien avec le public se raffermit encore et le plaisir se partagea à la louche entre soli et applaudissements. Bien évidemment, la musique était bonne, très bonne et ce fut un crève-cœur qu’elle dut cesser. Cela sentait bon l’humanité heureuse et, comme il n’y a pas de hasard, ce 27 octobre est le jour de naissance d’Érasme de Rotterdam (1466, 1467 ou 1469). Dans le club, les gens, comme les musiciens, trainèrent plus qu’à l’habitude. Ils étaient guillerets et sautillants comme un caprice de Paganini qui, on vous le signale est né un 27 octobre 1782. Quant au pérégrin et à son retour sur Lyon, il faut avouer qu’il fut lui aussi chanceux malgré les intempéries. Il gagna une heure et, dans l’intimité de son home sweet home (Alabama), il fit tourner les aiguilles (à la bonne heure) en rendant grâce au changement d’heure qui fait, parait-il le malheur des uns et des autres. Mais ça, le pérégrin s’en tape le coquillard, le heaume et le bouclier. Il a rendez-vous avec Ben Sidran dans peu de temps.
Dans nos oreilles
Neil Young - Tonight’s the night
Devant nos yeux
Franck Médioni - John Coltrane, l’amour suprême