Des jazzmen parisiens de toutes les nationalités, c’est plus facile d’aller les voir en Suisse que dans la capitale. C’est moins loin a.k.a. je soigne mon bilan carbone...
Trente-cinquième équipée
Le guitariste Sandro Zerafa, accompagné par Yonathan Avishai au piano, Yoni Zelnik à la contrebasse et Lukmil Perez à la batterie, tel était le programme lausannois du dernier samedi de mai pour votre serviteur et sa fille. Alors dites-moi un peu, avec ces quatre natifs de contrées ensoleillées (Israël, Cuba et Malte), la musique produite pouvait-elle évoquer les couleurs ombreuses de la nuit ? Pas vraiment. Et de fait, ce fut un kaléidoscope de luminescence. Pas une lumière crue. Plutôt un ensemble de nitescence chaleureux, de début de soirée, avec un filet d’air gorgé des saveurs du jour qui ferait frissonner les feuilles du figuier sur la terrasse. Mais là, je m’égare. C’est de jazz qu’il était question cet autre soir encore proche où le public du Chorus manqua un peu à l’appel. Toujours tort les absents. S’ils étaient venus, ils auraient écouté un jazz clair comme de l’eau de source. Un jazz pétri d’échos anciens et parsemés d’éclats contemporains. Un jazz à l’aise dans ses structures élastiques aussi. Était-ce un jazz évoluant à l’équilibre, au naturel ? Oui, naturellement… Avec des lignes claires et intelligibles, le guitariste maltais et ses amis musiciens surent amalgamer les standards et ses compositions originales (souvent aux couleurs brésiliennes qu’il affectionne particulièrement) durant deux sets consistants où la joie de jouer de concert ne fut pas feinte. D’un titre à l’autre, chacun prit sa part d’improvisation en toute simplicité, j’entends par là qu’ils n’en firent pas trop. L’équilibre, toujours l’équilibre. Le pianiste discrètement contemporain sur ses touches et son toucher, le contrebassiste à l’affût des rondeurs décalées sur ses cordes sensibles, le batteur expressif sur ses peaux burinées et le guitariste en raconteur d’accords limpides, d’histoires en paix avec elles-mêmes, tous à l’écoute, ils surent faire circuler un plaisir quiet dans la salle et récoltèrent en retour des applaudissements sincères et fort mérités. Et je note que ces spectateurs ayant bravé la pluie et la fraîcheur ambiante, trop amoureux du jazz pour ne pas saisir la bonne occasion de passage, furent exemplaires. Ce n’est pas tous les soirs que le public a une oreille affûtée et de la sympathie à revendre. Mais c’est toujours le cas dans l’atmosphère paisiblement souriante du Chorus. Pas un instant je ne m’ennuyai, me disant au passage que la musique de jazz, celle qui reste en mémoire, quelle que soit l’orientation que les musiciens lui donnent, elle restitue sa quintessence quand la générosité des artistes s’affiche décomplexée créant ainsi un pont avec la sensibilité des spectateurs. Cette soirée du 25 mai me fit aussi souvenir qu’en 1895, le même jour, Oscar Wilde fut condamné à deux ans de travaux forcés pour délit d’homosexualité. Certes, aujourd’hui il y a du progrès mais tout n’est pas rose encore. Je notai également que le 25 mai 1954 disparut en Indochine le photographe Endre Ernö Friedmann, connu pour la postérité sous le pseudonyme que lui donna sa compagne quelques années auparavant : Robert Capa.
Dans nos oreilles
Charlélie Couture - Solo boy
Devant nos yeux
François Maspero - Le temps des italiens