Trente-septième équipée

Un vendredi 13 juin, en 1777, Gilbert du Motier de La Fayette débarqua en Amérique, non loin de Georgetown en Caroline du Sud. A ce qui se dit, ce ne fut pas pour épater la galerie. Enfin bref, les exégètes du Marquis corrigeront s’ils le souhaitent. Non pas que le Gilbert m’indiffère bien qu’il fut cet autre 13 juin, celui de cette année, loin des mes préoccupations jazzistiques dans l’antre historique du Hot Club de Lyon où je débarquai, prêt à ferrailler avec le jazz et ses probables extensions.

L’homme de la soirée, le forçat des basses, ce fut Nicolas Bianco qui tint la scène toute la soirée. La femme de la soirée ? C’était la sienne, au piano en seconde partie avec le compagnon de route depuis toujours ou presque derrière ses peaux, Sébastien Mourant. L’invité, c’était le guitariste italien Federico Casagrande. Et pas de quartet pour autant. Ah ? Un duo d’abord et un trio ensuite. Un duo à dix cordes pour promouvoir leur disque. Une histoire de mélodies habitées, travaillées sur le fil émotif de la résonance. Leurs aspects (et leurs ombres) furent pluriels, comme autant de motifs hétéronymiques de l’âme humaine. Était-ce du Pessoa fluctuant en majeur et mineur ? Un insaisissable ondoiement ? Quelques harmonies peuplées d’oscillations nomades ? Un éloge à la présence et à ses imprévus ? Juste un regard sur l’imminence ? De tout cela un peu, et plus encore pour chaque auditeur qui fit sa propre lecture du courant musical sur lequel il fut porté. Ce que l’on fait par défaut d’ailleurs, en toute circonstance et en tout domaine.

Pensant que la seconde partie serait à l’avenant, je fus étonné (en soi, c’est toujours agréable) de voir et d’entendre que le piano avait été préparé, qu’il y avait un peu d’électronique et que le contrebassiste avait troqué son instrument pour une basse électrique non dénuée d’effets. Avec des compostions originales dédiées à Eurydice (quel con cet Orphée…), à John Lennon (Love is real, real is love, t’imagines ?), à l’immense Martha Argerich (my taylor aussi) ou encore à Mozart (le petit boulimique autrichien aux 626 œuvres répertoriées dans le Köchel), les trois musiciens proposèrent une musique aux effluves de pop rock progressive (d’un temps que les moins de vingt…). Fort heureusement, je n’ai rien contre et il faut écrire ici que l’ensemble, très composé, possédait des structures rythmiques et des échappées belles le rapprochant de la source (le jazz). Le trio malaxa donc le matériau musical jusqu’à donner à chaque morceau une personnalité propre. Je souffris néanmoins d’une sonorisation inégale étouffant par trop le piano. Ce qui est toujours frustrant, n’est-ce pas ? Mais l’imperfection étant de ce monde, je n’en fis pas un fromage et profitai au mieux des mélodies généreuses qui furent interprétées par ce trio parfaitement solidaire de sa musique.

Après quoi, n’aimant pas les citrouilles, n’ayant pas de pantoufle de verre et une part de féminité immesurable, j’acheminai mon carrosse et ma carcasse au repaire avant que minuit sonnât. Ceci écrit noir sur blanc, au cas vous vous poseriez la question, je vous signale que sur plus de deux-cents versions du conte recensées de par le monde, un quart possède un cendrillon masculin. Et j’emmerde le correcteur grammatical de mon traitement de texte qui veut à tout crin que j’écrive « une cendrillon masculine ».


Dans nos oreilles

Bruce Springsteen - Western Stars


Devant nos yeux

Lydie Salvaire - 7 femmes