Trente-neuvième équipée

Le 16 juin 1963, Valentina Vladimirovna Terechkova fut la première cosmonaute soviétique et la première femme à effectuer un vol dans l’espace. Il dura jusqu’au 19 juin. Elle demeure à ce jour la seule femme à avoir effectué un voyage en solitaire dans l’espace et la plus jeune cosmonaute (26 ans). Peut-être est-elle passée au dessus du Domaine Saint Joseph sans le savoir. Si elle l’avait survolé ce 16 juin 2019, elle aurait vu un Steinway grand concert les trois pieds dans l’herbe. C’est assez inhabituel pour être signalé. Néanmoins, à la vitesse où elle serait passée, elle aurait raté les prestations d’Ewerton Oliveira et Maria Baptist. Mais chacun son trip et les étoiles seront bien (re)gardées. Sous les arbres du parc, le pianiste brésilien offrit au public un set articulé entre langueur dansante et discret enfièvrement. Chaud comme un matin d’été et frais comme un début de soirée légèrement venteux. L’ensemble fut à la nuance c’est qu’est la vie à la marche du monde : un mouvement souple et continu se nourrissant de surprises autant que de mémoire. Si la vastitude du territoire musical eut pu de prime abord inquiéter un auditeur frileux, elle n’effraya pas le pianiste accompli qui sut habiter l’espace, entre jazz et musiques du monde, le sien en particulier. Et le sien possédant cet accent chantant et ces ondulations océaniques qui émeuvent le plus endurci des granits, il fallut peu de temps au musicien et à son public pour baigner dans un plaisir partagé, plaisir encore rehaussé par la qualité d’un piano rare sous les doigts des pianistes de jazz.

Encore sous le charme de cette première partie, je fus tout à trac interpellé par la puissance pianistique de Maria Baptist. Dans l’étendue du territoire précité, la native de Berlin-Est prit son espace musical à bras le corps. Avec une redoutable précision et un toucher devant beaucoup à la rigueur du monde classique, elle proposa des compositions originales richement ornées et continûment emplies d’une irrépressible fougue. N’étant pas née de la dernière pluie, elle déclina cependant son répertoire avec une maîtrise et une clarté narrative dans la gestion des volumes qui évitèrent aux spectateurs attentifs l’asphyxie. Ceux-ci ne manquèrent pas d’ailleurs de saluer sa prestation avec un entrain conséquent, traduisant ainsi l’agrément qu’ils eurent à écouter ce jazz contemporain à l’épicurisme éruptif qui agita pour un temps les frondaisons fidésiennes. Et si tant est que son style fut très distant de celui d’Ewerton Oliveira, il ne m’empêcha pas de considérer la soirée comme une réussite pleine et entière dont les deux pôles d’attraction enserrèrent un continuum musical éclectique aux déclinaisons très nettement diaprées et absolument séduisantes. Pour achever un repos dominical avec le sourire, il ne m’en fallut pas plus et je rentrai à la demeure l’esprit léger mais tout de même agité par une question (étonnant, non ?). Comment se fait-il que dans l’espace Schengen les jazz de diverses nationalités aient autant de peine à passer les frontières ? Vous m’en ferez douze pages pour bientôt. Et peut-être même avant.


Dans nos Oreilles

The Jazztet - Real time


Devant nos yeux

Ingeborg Bachmann - Malina


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