Quarante-et-unième équipée

Le 3 juillet 2019, date anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État (1905), ne voilà pas qu’Armando Anthony Corea, dit Chick, scientologue averti, débarqua à Vienne ; et mon théâtre en tique (rrhhââ…) ou presque puisque je m’en fichais comme de ma première couche… Le jour où Jim Morrison calencha (1971), le jour où Tom Cruise, autre scientologue, sortit du néant (1962). Hum, étrange… Accompagné par une pléiade de musiciens sympathiquement efficaces, réunis sous le nom de « spanish Heart band  », le natif du Massachusetts, bien qu’il plaça la soirée sous la tutelle de Paco De Lucia, proposa un projet nettement plus latino-cubano-pleindeo que flamenco. Ce fut propre et professionnel mais pas vraiment inspiré. Un chouette petit projet pour tourner l’été dans les festivals avant de passer l’hiver au chaud qui ne me souleva pas l’ombre d’un poil.

Pour frémir, il me fallut attendre que Juan Carmona et ses musiciens investissent la scène. Tu la voulais ton ambiance flamenca ? Elle était là, charnelle et odorante, en sueur et impatiente d’en découdre avec les mystères de la vie. Et pour le coup, l’ombre tutélaire de Paco fut avec eux (et avec notre esprit…), bienveillante envers ces artistes authentiques qui offrirent au public une prestation voluptueusement lumineuse comme seule le flamenco peut en délivrer. Âpre et rauque, follement mélodique, immergée dans le rythme tellurique d’une tradition finement modernisée, leur musique andalouse se donna au public, fière et brave, avec toute l’audace de sa sincérité. Des cris extatiques se firent entendre dans la foule (anima, animus) enfin heureuse et pénétrée par la nature vérace du spectacle. La contemplant, je m’étonnai cependant que l’amphithéâtre ne fût pas plein. So what ? Si même le légendaire Corea ne remplit plus les gradins, le temps des questions pointe le bout de ses interrogations. Mais peu m’importa alors. Les jaillissements pulsatiles de Juan Carmona, de ses instrumentistes et de son danseur, étaient à la hauteur du genre musical exigeant qu’ils pratiquent depuis toujours. Les voir comblés d’être fêtés comme ils le méritaient par un public ayant parfaitement compris que la vérité musicale du soir était là, noble et digne, me fit souvenir que seul le partage des émotions permet la communion, loin, très loin, de toutes considérations programmatiques ou financières. Et la chaleur de la nuit me fut douce, comme aux temps passés où la présence vivante de Paco De Lucia illuminait la scène, le public chaviré et les cieux soumis aux désirs furieux de sa guitare flamenca.


Dans nos oreilles

Juan Carlos Romero - Agua encendida


Devant nos Yeux

Henri Thomas - La défeuillée


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