Cinquante-deuxième équipée

Le 23 novembre dernier, à Montmerle-sur-Saône pour la saison d’hiver du Chien à 3 pattes, sous la pluie je vins, et sans parapluie encore. Totale impro, j’te jure… A la découverte de Marie Mifsud, en quartet. Jamais écoutée avant cette jeune femme. Une raison suffisante pour se déplacer, car enfin, la nouveauté me fait bouger, à moins que seule elle ne s’agite et que je la suive à l’improviste. Sur scène autour de la chanteuse un batteur, également compositeur des titres originaux du répertoire, Adrien Leconte, un bassiste nommé Victor Aubert et un pianiste répondant au nom de Tom Georgel. D’entrée madame, formée au lyrique, posa le cadre avec une technique vocale impeccable. Sens du phrasé, art de la nuance, diction infaillible ; de quoi faire pâlir quelques congénères. Elle en rajouta une couche avec une présence scénique d’un dynamisme impétueux et souriant sans aller jusqu’à l’espièglerie. Le public en ressentit d’emblée les effets lorsqu’elle attaque une « Caravan  » de passage vraiment pas sage. Variant sans cesse les univers musicaux d’un morceau à l’autre, de Saint Germain Des Prés au cabaret post punk, du jazz à la chanson, elle fit montre d’un professionnalisme accompli, bien aidée en cela par des collègues rompus à son caractère artistique facétieux et forcément complices. De bout en bout le public du cabot bancal lui emboîta le pas dans un compagnonnage festif qui laissa tout un chacun fort aise de sa soirée. Entre deux titres, ne me demandez pas pourquoi, je me souvins que le 23 novembre avait vu mourir, en 2006, Anita O’Day, « the Jezebel of jazz  ». 2019 aurait pu être l’année du centenaire pour cette vocaliste totalement autodidacte à la carrière erratique (toujours l’héroïne). N’en déplaise à ceux qui la huèrent à Paris dans les années soixante-dix (trop blanche pour être jazz, pensaient-ils connement), sont art du quart de ton, sa rugosité décontractée, sa manière d’habiter chaque standard comme une part unique de son histoire, firent d’elle, une interprète qui demeure aujourd’hui encore au panthéon des chanteuses touchées par la grâce. Écoutez donc son «  Live at Mingo’s » de l’année 1979, elle avait soixante ans alors, tout est là, jusqu’à ses fêlures laissant transparaître dans son expression vocale sa poignante humanité. Alors, comme je suis d’un naturel plutôt bienveillant, je souhaite sans ambages un épanouissement similaire à la jeunesse de Marie Mifsud, l’héroïne, les douleurs et les peines, en moins bien évidemment.


Dans nos oreilles

Niels Henning Orsted Pedersen - trio 1


Devant nos yeux

Irène Gayraud - Le livre des incompris