Où le pérégrin fait une infidélité au jazz, en toute connaissance de cause, et va écouter de la musique classique au Goethe Institut. Est-ce bien raisonnable ? Ich weiß nicht.
Cinquante-troisième équipée
Natalia Ehwald, Ludwig Von Beethoven, Franz Schubert et Clara Schumann le 11 décembre dernier dans les locaux lyonnais du Goethe Institut, les quatre en même temps ? C’est possible puisque la première citée, la jeune pianiste allemande invitée, les interpréta ce soir-là, les trois autres nommés, dans une salle de petite taille mais avec un grand piano, dans le cadre de la « Saison Blüthner », du nom du facteur de piano. Là j’avoue, si vous n’avez pas marqué de pause à chaque virgule, vous êtes mal… Et pour tout dire, je m’en fiche comme je me contrefiche de chroniquer sur Culture Jazz un récital de piano classique. Nous avons tous le droit à la respiration et, en l’occurrence, la mienne fut musicale. Et puis s’il est bien vrai que je n’affectionne pas particulièrement le dur d’oreille, j’ai plaisir à écouter le petit autrichien mort précocement. Mais là encore, pour être honnête avec le lecteur, je confesse que Clara Schumann est ma préférée, peut-être à cause de l’ombre que lui fit son Robert (c’est un prénom, ne vous méprenez pas) qui masqua par ses travaux les compositions de sa bien-aimée à une époque où la place des compositrices était inexistante dans la musique classique. Vous me direz à juste titre que cela n’a pas beaucoup changé. Je n’y suis pour rien. Promis. La preuve, je suis allé à la rencontre d’une pianiste virtuose en confiance et sûr de passer un excellent moment de musique.
Dans le loft de l’institut, les décennies s’accumulaient sur les sièges, les miennes avec. Un peu triste cet inappétence de la jeunesse pour la musique classique. D’autant que ce lieu alternatif permet une proximité avec l’artiste très agréable. On pourrait se croire dans un club. Je profitai donc de la sonorité d’un beau piano et je découvris une interprète très sensible, immergée dans son clavier et capable d’un jeu habité par l’émotion et une forme de poésie excluant la grandiloquence. Que dire de plus sinon que cela fut plus qu’une parenthèse au beau milieu du mouvement perpétuel, urbain et pluvieux. Je pensai une fois encore, entre deux variations, que ces œuvres pour piano de Clara Schumann expriment une mélancolie au sein de laquelle une lumière résiste à toute forme d’assombrissement. Cela me permit de m’installer dans l’entre-deux, de rêver tranquille et d’oublier le superflu. Pour un temps seulement ; mais c’est toujours ça de pris.
Au fait, qu’est-il arrivé au Festival Jazz à Vienne ? Pour sa quarantième année d’existence, accrochez-vous, il lance son album Panini. L’année prochaine, pourrais-je avoir le puzzle, ou mieux le canevas à faire au coin du feu l’hiver ? Je vous passe les détails de la communication, le calendrier de l’avent en ligne et tutti quanti. Je sais déjà que je n’irai pas revoir Jamie Cullum, Hugh Coltman, que j’attends de voir si du jazz est prévu dans la programmation du théâtre antique. Et aussi si une chance existe que des talents confirmés du jazz et jamais conviés fassent leur apparition sur la grande scène pour des raisons musicales et non médiatiques et financières. Tiens je ne vais même pas m’énerver (ce doit être le début de la sagesse, ou petit coup de mou). Je vais illico presto, rondo, allegro, andante, réécouter en nocturne une romance ou une sonate de Clara Wieck, épouse Schumann.
Dans nos oreilles
Yoshiko Iwaï - Clara Schumann - piano music
Devant nos yeux
Sacha Guitry - Mémoires d’un tricheur