Riche passé, actualité fluctuante, à Marseille la vie du swing fluctue sans cesse entre hauts et débats, univers institutionnels et initiatives de francs tireurs.
État des lieux fin 2019 où brille la lumière rituelle de « Jazz sur la Ville » (réunion de bonnes volontés) .
Le Cri du Port demeure la valeur sûre, une sacrée odyssée depuis son apparition en mars 1981, un palmarès aux atours encyclopédiques. Ailleurs en centre ville, sur un modèle fondé du seul engagement héroïque, le Jam monte en puissance, s’affirme territoire d’espoir. Le Jam, animé d’un collectif de guerriers pacifiques, c’est un club de jazz, un vrai. Il repose sur un modèle économique dépourvu de toute aide publique, cultive une farouche indépendance.

  Dimanche 27 octobre : Le Jam

David El Malek, saxophone ténor en duo avec Henri Florens, piano droit.
Rien d’exceptionnel pour le Jam, si ce n’est le niveau musical des deux maestros ayant fait connaissance dans l’après-midi par l’entremise du varois Christophe Dal Sasso. D’Henri Florens les mélomanes locaux connaissent tout de son art, de sa complicité haut de gamme avec Chet Baker à ses aventures au long cours aux côtés de Christian Escoudé. Henri, trésor local certifié, ouvre son dialogue avec El Malek par une nouvelle composition de triste circonstance hommage aux victimes du drame de la rue d’Aubagne « Eight souls ». Cette pièce classe la rencontre, l’auditoire d’ordinaire assez bouillant apprécie la conversation savante des deux nouveaux collègues.

  Lundi 4 novembre : Jazz au conservatoire de Marseille

Sans doute la plus étonnante initiative sous l’ère Gaston Defferre (maire de 1953 à sa mort en1986) : 1964, le pianiste Pierre Barbizet, nouveau directeur du conservatoire décide la création d’une classe de jazz. Du jamais vu en France. Guy Longnon (1924-2014) trompettiste de référence est invité à diriger le nouvel objet. Au final : un chef d’œuvre de pédagogie, fréquentation de beau niveau. De A à Z : Bernard Abeille (contrebassiste), Hervé Bourde (saxophoniste), Henri Florens (pianiste), Jean-Paul Florens guitariste), André Jaume (saxophoniste), Jacques Ménichetti (bassiste), Jean-Marc Montera (guitariste), Paul Pioli (guitariste), Gérard Siracusa (percussionniste), Magali Souriau (pianiste), Jannick Top (basse), Claude Vesco (guitariste), … Michel Zenino (contrebassiste).
Ce soir, la rentrée sonne joyeusement, Raphaël Imbert (ancien élève de la classe de jazz direction Philippe Renault ) vient d’être nommé directeur du Conservatoire. Encore une première en France pour un jazzman. Raphaël Imbert sur un nuage dit son bonheur, dialogue, anime, initie la jam session. En final, on observe Henri Florens aux commandes du grand piano : bienvenu.

  Mardi 5 novembre : deuil sur la ville

Rue d’Aubagne, tout au long de la journée, nombre de Marseillais se succèdent dans le recueillement en mémoire des 8 victimes de la tragédie du 5 novembre 2018. Henri Florens en voisin, matinal et en début de soirée fait partie du triste cortège. Une admiratrice de l’auteur de « Eigth souls », Marotte ne manque pas de poser à ses côtés dans un bar populaire de la rue martyre. Écho des « Mystères de Marseille » chers à Zola ?

  Mercredi 6 novembre : hôtel C2 (Jazz sur la ville)

Cet hôtel 5 étoiles situé dans le centre ville accueille tous les mercredis des formations aux styles variés. À l’affiche le quintet Bean Soup (Michel Bescond, sax ténor : Michel Bonnet, trompette ; Jacques Schneck, piano ; Olivier Lalauze, contrebasse ; Stéphane Roger, batterie) célèbre avec foi la légende Coleman Hawkins sous les yeux du musicien-photographe Claude Vesco, mémoire vive de l’histoire du jazz à Marseille. Claude expose dans ce luxueux établissement une suite de ses instantanés intitulée « Jazz, le Monde perdu ». Passionnant.

  Samedi 9 novembre : Cité de la Musique (Jazz sur la ville)

Tout de grâce, le privilège de découvrir dans l’écrin d’une salle idéale le quartet Les Quatre Vents. Alliages subtils en direct, écho d’un disque salué unanimement. Si la voix du trompettiste Christophe LeLoil domine, on reste aimanté par le jeu de piano habité de Perrine Mansuy. Rythmique imparable de subtilité : Pierre Fenichel, contrebasse, Fred Pasqua, batterie.

  Dimanche 10 novembre : la Mesón (Jazz sur la ville)

Vous reprendrez bien une petite dose de Florens ? Elixir à déguster sans modération dans la salle conviviale de La Mesón, centre ville en prolongement de la Canebière. Ce lieu culte, quasi familial, aime à proposer des affiches inédites. Celle d’Henri Florens et son fils Julien (saxophoniste) n’a pas manqué de faire honneur aux fidèles du lieu. De nouveau, Henri présente sa composition du moment « Eight souls ». Ce duo éclaire l’excellence de la scène locale dont l’éclat demeure souvent intra-muros.

  Mercredi 13 novembre : Hôtel C2 (Jazz sur la ville)

Soirée de volupté en harmonie du luxueux hôtel, Philippe Duchemin présente Swing & strings. La rencontre d’un trio jazz (Philippe Duchemin piano, Christophe Le Van, contrebasse, Philippe Le Van, batterie) et du quatuor classique Puccini (Sylvie Bonet, violon, Corinne Moirano-Cartigny, violon, Alain Pelissier, alto, Manuel Cartigny, violoncelle). Philippe Duchemin garde une ligne ferme, exigeante dans le piano mainstream où il fait autorité. À ses côtés les frères jumeaux Christophe et Philippe Le Van sont actifs de grands rendez-vous en Provence depuis des lustres, la providence de pointures de passage. Ce mercredi comme à l’accoutumée la figure élégante d’André Gay (clarinettiste et grand animateur du jazz local) est présente pour saluer la précieuse fratrie.

  Mercredi 14 novembre : Bibliothèque Alcazar (Jazz sur la ville)

Célébration de Michel Petrucciani à la BMVR Alcazar, un des lieux les plus indispensables de la Cité tandis que Marseille délaisse ses bibliothèques.

La musique sonne sans cesse dans cette médiathèque XXL, Patrick Casse et Jean-Jacques Cornellier à la manœuvre. Exposition photo (de votre serviteur), projection du film de Michaël Radford et cerise sur le gâteau le trio d’Alexis Tcholakian en action. Jadis familier de la scène Parisienne, Alexis Tcholakian a récemment posé son art à Marseille. Une aubaine que certains ont bien captée. Alexis fut un des premiers à rendre hommage à Michel Petrucciani, mais son actualité réside dans un trio à la hauteur de son talent (Lilian Bencimi, basse, Willie Walsh, batterie, ce soir, demain les frères Le Van). Dans le vaste hall de la bibliothèque on relève la présence de ceux ayant eu le privilège d’avoir connu le Petrucciani du Sud : les musiciens Henri Florens, Jacques Ménichetti, le critique Yves-André Delubac… Stéphane Kochoyan.

  Dimanche 17 décembre : Cri du Port (Jazz sur la ville)

Institution vivante, le Cri du Port sait accueillir, bichonne son public. Prix doux (aides publiques utilisées à bon escient), buvette de qualité compensent allègrement une salle ingrate située dans un quartier peu attractif. Ce dimanche le son sera dompté, sur le podium Théo Ceccaldi et ses partenaires en mode Django Reinhardt s’en donnent à coeur joie, font jaillir des entrailles de l’univers du guitariste des feux d’artifice.
Cette nouvelle vague flamboie.

  Mercredis 20 & 27 novembre : Hôtel C2 (Jazz sur la ville)

Le luxe ne se dément pas à l’hôtel C2 pour les deux dernières sessions du mois fidélisant un public aussi nombreux que parfois bruyant.
Christophe Lampidecchia (accordéon chromatique) réunit un quartet de pointures : Louis Winsberg (né à Marseille) Minino Garay et Diego Imbert.
Finesse et virtuosité au rendez-vous, les artistes ont eu parfois du mal à couvrir les excès sonores des conversations au bar (un grand classique des clubs).

Derniers rendez-vous. Claude Vesco déjà présent sur les murs de l’hôtel par ses photographies, aime à convoquer la fine fleur locale, des partenaires de longue date : Bernard Abeille (contrebasse) et Claude Mennillo (batterie). Depuis quelques années Claude a réussi à enrôler Thierry Maucci. Ce ténor du sax, ancienne figure du Grim, éblouit lors de toutes ces apparitions : la grande classe, un sommet sur l’instrument.

  • Ailleurs dans Marseille et en toutes saisons, d’autres lieux fonctionnent régulièrement. Saluons les samedis du Roll’studio dans le quartier historique du Panier (www.rollstudio.fr).
  • Les sessions du Rouge Belle de Mai (quartier populaire) animées par le batteur Gilles Alamel (www.rougebelledemai.com).
  • À guetter les jams session dont celle chez Aglaé & Sidonie, face à l’Opéra (www.chezaglaeetsidonie.com).
  • Les soirées blues rue Sainte dans le mouchoir de poche Blues in Marseille.