Soixante-quatrième équipée

Django Bates en trio ? Même un dimanche à 17 heures et à Mâcon, cela ne se refuse pas. Celui que l’on qualifie souvent d’enfant terrible du jazz européen de par son côté facétieux mérite d’être considéré pour ce qu’il est avant tout : un musicien accompli dont le talent de compositeur révèle une réelle originalité. Et comme il ne vient que peu dans nos contrées, il était hors de question que je manque son trio. Avec le contrebassiste suédois Petter Eldh et le danois Peter Bruun à la batterie, Django Bates donne déjà une bonne idée de la direction musicale qu’a pris sont trio « Beloved  ». Une contrebasse rugueuse et plutôt percussive donc, soutenue par une batterie aérienne et soucieuse de précision et d’espace, permirent au pianiste anglais maintenant sexagénaire de dérouler son jeu d’improvisateur en perpétuelle révolution. A ce jeu-là, parfaitement épaulé par ses collègues, il proposa en un seul set frôlant les deux heures une musique personnelle apte à faire vibrer le clavier dans les grandes largeurs. Inspiré et taquin, léger et profond, le trio fit vivre les compositions originales et revivre certains thèmes de l’ami Charlie Parker avec une ébouriffante subtilité. Sans faiblir jamais et sans donner l’apparence du labeur, les trois musiciens firent la démonstration d’un amour immodéré pour le jazz sans pour autant tirer la couverture à eux de manière ostentatoire. Bates quant à lui, en multi-instrumentiste confirmé, chanta (bien) sur un morceau sans nuire au propos global du concert qui embrassa avec une douce fermeté tout son univers musical dans lequel surnagent en permanence une fraîcheur fascinante, une propension au décalage habile et un art du tempo alternatif toujours astucieux. Tout ceci se passa un dimanche 08 mars 2020, jour qui vit en 1658 la signature du traité de Roskilde. Ce n’est pas anodin car le dit traité mit fin à la guerre dano-suédoise. Sans cela, qu’en aurait-il été de la rythmique de Django Bates au Crescent ? Ni vous ni moi jamais ne le saurons. Pour la fine bouche, sachez également que le 08 mars est le jour de naissance du saxophoniste George Coleman (1935) ou encore du guitariste hongrois Gabor Szabo (1936) trop tôt disparu (1982). Tiens, ce fut un beau dimanche, presque à la campagne.


Dans nos oreilles

Helen Merrill - Live at Nalen


Devant nos yeux

Alessandro D’Avenia - L’art d’être fragile