A vingt-quatre heures du final d’un couvre-feu aussi long qu’un jour sans pain, le pérégrin s’encanaille sous le péristyle de l’opéra de Lyon.
dimanche 20 juin 2021
J’ai cet hiver écouté et chroniqué le disque du Mettà trio de Camille Thouvenot. Alors pour-quoi ne pas l’ouïr sous le péristyle de l’opéra puisque concert il y avait, hein ? C’était samedi dernier, un 19 juin, jour qui vit naître en 1930 la fascinante Virginia Cathryn Rowlands, dite Gena, notamment chez John Cassavetes. Mais je m’éloigne là des voûtes opéranoïdales (c’est nouveau, je sais) du centre ville lyonnais et je reviens à mes moulins, ceux de mon cœur ému de tant de musique en direct et en soirée, à quelques encablures à peine de la nuit la plus courte de l’année, nuit cependant en mesure d’embraser l’esprit du corps lors d’une fête de la musique aujourd’hui entrée dans les bonnes mœurs ; il ne s’agit néanmoins pas de croire qu’en cette occasion la musique est systématiquement excellente. Ceci dit, tout était au beau fixe, sachant que l’on déconsidérât d’entrée de jeu les quelques nues velléitaires stagnant ci et là au dessus de nos oreilles, trop heureux que nous étions d’être en phase avec de la musique vibrante. À l’image du disque précité, le trio en scène, en jouant des thèmes emplis d’empathie et des standards revus et corrigés en long et en large, aviva l’optimisme d’un public démasqué qui ne cessât de faire sécher ses dents, un verre à la main, un amuse-gueule dans l’autre. Et c’est avec une fluidité très ragoûtante que les trois musiciens firent du plaisir de jeu une passagère accointance avec les spectateurs. Rien ne manqua et je notai au passage que la rythmique (Christophe Lincontang et Andy Barron), aussi locale soit-elle avait une envergure qui dépassait largement les frontières d’une région, aussi vaste soit-elle, tout comme le pianiste d’ailleurs dont l’inventivité et la maîtrise furent remarquées et applaudies. Mais bon, vous savez comment fonctionne ce monde, les trois font du jazz et ce n’est pas ainsi que leurs mérites seront reconnus et leurs banquiers satisfaits. Ou alors il leur faudrait baisser le froc (et s’autoriser de la sorte la décence d’un frac de qualité pour réussir dans une vie sociale insipide). Leur but avoué n’étant pas à l’évidence de ce type, je profitai de leur générosité musicale avec un ami contrebassiste et, autour de nous, des quidams plus ou moins enjoués au premier set, beaucoup plus expressifs et concernés au second ; quelquefois bavards aussi, ce qui était certes une preuve de vie mais, hélas, une incommodité parfois lassante. Oui j’aime que mes voisins la ferment quand j’écoute, notamment l’exercice de style réalisé autour de Coltrane. Je lassai toutefois le troisième set aux aficionados car après un sevrage douloureusement subi, il m’apparut rationnel de préserver mon pousse-seringue jazzy en évitant la samediesque et si tristement banale overdose musicale. J’imagine que le trio ne m’en voulut pas. Après tout, mettà, en langue pali, signifie bienveillance. Tiens, saviez-vous que Krishna avait été tué dans une forêt ?