Où l’on parle de la sortie du live de Miles Davis à Jazz à Vienne en 1991.
Rhino Records
Miles Davis : trompette
Kenny Garrett : saxophones
Deron Johnson : claviers
Foley, Richard Patterson (2) : basse
Ricky Wellman : batterie
Dois-je me joindre au chœur énamouré de la critique musicale qui vante ce merveilleux concert donné le lundi 1er juillet 1991 par le trompettiste lors de son dernier passage à Jazz à Vienne ? Sachant que tout a déjà été dit sur l’artiste et sa musique, sa capacité à transcender les genres, à créer de nouveaux espaces musicaux avant tout le monde, sachant que tout a été dit sur les femmes de sa vie, les voitures, la dope, le racisme, son supposé sale caractère, la peinture, la haute couture et j’en passe, que voulez-vous que j’écrive ? Que la météo était bonne, tiens. Je le sais, j’y étais. Et même que j’avais deux billets (oui, à cette époque, j’étais encore un spectateur lambda). Et je peux vous dire que j’ai attendu jusqu’au dernier moment celle qui devait me rejoindre et m’accompagner au bout de la nuit (c’était le plan). Pour finir, je donnais mon second ticket à un quidam qui, je l’espère, se souvient encore aujourd’hui de l’inestimable don que je lui fis. Et quoi ? 89 jours après, il était décidemment décédé le Davis ! Toujours est-il qu’en première partie, Shirley Horn, ce fût pas mal du tout. A dix heures tapantes, le gang arriva sur scène et le leader ne tarda pas à les rejoindre. Après, ce fut un concert de Miles dernière période comme il en fit des dizaines. Le théâtre antique était bourré à craquer et même la terrasse au-dessus avait été squattée. Pas loin des dix mille personnes à mon humble avis. Au milieu de la foule en délire, esseulé, je m’ennuyai passablement (Koi ?!? mais comment oses-tu ?!?), la faute à l’absente et au lapin qu’elle me posa, j’imagine (jamais revue depuis, d’ailleurs, gone with the wind…). Autour de moi néanmoins, ambiance de feu, bananes sous les nez, sueur sous les aisselles, tortillage de cul en cadence, move baby, groove. Mais funky funky funky, trop pour moi, trop trop trop, et le son des ces claviers nineties, bof, bof, bof… Vraiment pas ma tasse de thé, ni mon bol de soupe et encore moins mon space cake. Je pèse mes mots. Mais bon, il était là, sur la scène, le géant, la légende, le génie, celui qui voulait être blanc, bla bla bla, avec son profil d’empereur romain fan de Gréco. Il mena sa troupe au doigt et à l’œil, selon son bon vouloir. Face à lui, le mur viennois du public en pâmoison le soutint sans faille et fit de cette soirée un événement mémorable ; à moins que ce ne fût sa mort le 28 septembre suivant qui rendit a posteriori ce concert un peu plus ineffaçable que nécessaire ; après ce 1er juillet de l’année 1991, il ne lui restait à effectuer que seize concerts avant de passer l’arme à gauche et de retrouver le chœur lumineux des fantômes du jazz qui squattent nos esprits. Aujourd’hui et en bref, la sortie de cet enregistrement public, trente ans après, est donc un témoignage de plus sur une période déjà très largement documentée. Quant à moi, je crois bien que je me suis arrêté à We want Miles (1981), en fait. Et je préfère malgré tout Agharta (1975). Un autre genre de bleu, quoi. Un peu plus saignant.