Escapade dominicale à Mâcon pour écouter le trio de Bill Stewart, avec Larry Grenadier et Walter Smith III. A quoi bon résister ?
Dimanche 05 décembre 2021
Que Bill Stewart soit mélodique est une évidence, qu’il soit un polyrythmicien redoutable aussi et que son indépendance des membres soit exceptionnelle, voire invraisemblable, est manifeste. Alors quoi ? Quand il fut annoncé en début de soirée dominicale au Crescent (Mâcon), accompagné en sus par Larry Grenadier et Walter Smith III, je sus que je n’aurais pas d’autre choix que celui d’assister à son concert. Le batteur natif de Des Moines (Iowa) vint donc le cinq décembre, jour qui vit en 1791 Mozart lâcher la baguette dans sa trente-cinquième année, nous farcir avec délice les oreilles et je n’y vis a priori aucun inconvénient. Débutant dans une orthodoxie relative avant de côtoyer les bordures du genre, le concert dans son ensemble, en un set, exprima ce que le jazz a de meilleur en termes de structure, d’écoute et d’improvisation. Le batteur aux commandes dirigea les débats avec une autorité naturelle discrète mais bien réelle. Vous me direz qu’avec la carrière qui est déjà derrière lui, c’est logique ; sauf que bien des musiciens de son calibre, envahis par leur égo, en font souvent trop, quitte à sacrifier sans vergogne leurs partenaires de scène. Tel ne fut pas le cas et l’immense Larry Grenadier put démontrer avec son habituelle maestria ce que le talent peut donner à ouïr quand il est ouvert à tout vent et maîtrisé à la fois. Face à lui Walter Smith III, le plus jeune du trio, au saxophone ténor, ne s’en laissa pas conter. Solide sur ses fondamentaux, il sut avec aplomb tenir sa place avec créativité, ce qui était le minimum vu le niveau de ses comparses. Lors du dernier morceau, avant le rappel, il prit un solo majestueux, un de ces soli dont on se souvient longtemps après ; virtuose enflammé, il mit à mal ses alvéoles pulmonaires en tutoyant les suraigus avec une rage encore juvénile et la science d’un musicien accompli. Elles résistèrent cependant, les alvéoles, à cette envolée lyriquement organique puisque rappel il y eut. Un seul d’ailleurs, malgré les applaudissements plus que nourris d’une salle comble et conquise. J’eus même l’impression que la musique envoyée dans la salle depuis la sono avait pour but de faire passer le public à autre chose. Mais peut-être est-ce une illusion. Quoi qu’il en fût, les trois américains en transit dans la région laissèrent une trace durable dans mes oreilles. C’est suffisamment peu courant pour être noté.