L’Europe, l’Europe, L’Europe ! En jazz, elle fonctionne plutôt bien, même sans conflit. Dans ces quatre chroniques, on part du Nord, on passe par L’Allemagne, la Suisse et on finit en France.
| 00- JACOB ARTVED . Metamorphosis
| 01- JAKOB MANZ & JOHANNA SUMMER . The Gallery Concerts I- OUI !
| 02- NOE TAVELLI & THE ARGONAUTS . Inner streams
| 03- OLIVIER CALMEL DOUBLE CELLI . Métamorphoses- OUI !
Stunt Records
Jacob Artved : guitare
Max Artved : hautbois
Ben Besiakov : piano
Felix Moseholm : contrebasse
Cornelia Nilsson : batterie
Eliel Lazo : percussions
Kristine Schneider : violon
Stine Hasbirk Brandt : alto
Joel Laakso : violoncelle
Ce n’est pas la première fois qu’un jazzman s’attaque au répertoire classique, c’est même une chose très régulière dans le monde du jazz. Tchaikovsky, Ravel, Poulenc, Prokofiev et Debussy sont au programme. Dans cet album, le mélange entre les musiciens, classiques et jazz, semblent particulièrement naturel. A tel point qu’on ne se pose jamais la question du bien fondé de l’entreprise. L’on note aussi que le leader et guitariste, le jeune Jacob Artved,
(son père est au Hautbois,) ne tire pas la couverture à lui. Sa présence bien réelle demeure discrète et offre un large espace à ses coreligionnaires. Les arrangements sont tirés à quatre épingles ; l’on passe du swing be-bop aux envolées lyriques des grands ancêtres en souplesse et la fusion s’opère toujours avec une redoutable simplicité, ce qui en soi n’est pas une mince affaire. Dans son ensemble, la musique de ce Cd forme un canevas qui déborde de détails attrayants. Jamais une once d’ennui à l’écoute de cet enregistrement placé sous le signe de la finesse et de la sobriété.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/jacob.artved
Act Music
Jakob Manz : saxophone
Johanna Summer : piano
A tous les deux, Jakob Manz et Johanna Summer n’atteignent même pas les cinquante ans ! Comme quoi on peut être jeune et signé par une grande maison de disque (en Allemagne). Il faut dire que le talent ne leur manque pas. Si nous ne connaissions pas le saxophoniste, nous avions déjà repéré et apprécié la pianiste par le biais de son disque kaléidoscopique sur Schumann. Leur duo capté en public est un modèle d’osmose musicale et le dialogue est toujours fécond. Le lyrisme mélodique qu’ils développent sur les thèmes de Manz comme sur les reprises ne souffre d’aucune fadeur. Johanna Summer, ancrée dans la profondeur, offre à Jakob Manz la possibilité de démonter l’étendue de son (jeune) talent et, quand elle prend la main, elle déroule un jeu extrêmement travaillé qui, à l’écoute, n’en demeure pas moins très naturel. Ce n’est pas pour rien que son illustre prédécesseur, Joachim Kuhn pour le citer, ne tarit pas d’éloges à son égard. Et, assis devant nos enceintes, nous sommes entièrement en phase avec son jugement. Un album plein de fraîcheur et de liberté avec des musiciens qui osent et peuvent se le permettre. Sans l’ombre d’un doute. A suivre de très près.
Yves Dorison
https://www.facebook.com/johannasummer.piano
Fresh Sound New Talent
Matthias Spillmann : trompette, bugle
Francesco Geminiani : saxophone tenor
Manuel Schmiedel : piano
Fabien Iannone : contrebasse
Noé Tavelli : batterie
Baigné par le jazz new-yorkais d’aujourd’hui et des références plus anciennes, ce quintet acoustique helvète sait marier les influences à sa propre originalité. Emmené par le batteur, il fait montre d’une belle unité. Ambiance jazz à coup sûr, de par la configuration du groupe, et travail d’écriture élaboré sont les deux axes qui lui permettent d’intéresser l’auditeur. Avec des solistes de qualités et un interplay sans faille, le quintet déroule son univers avec une rigueur créative de très bon aloi. Les thèmes proposés offrent souvent des mélodies complexes, bien dans l’air du temps, qui demandent une écoute attentive ; nous aimerions quelquefois que ce soit plus simple d’ailleurs mais ce n’est qu’un léger bémol largement compensé par la formidable cohésion du groupe et la qualité citée plus haut des solistes. Remarqués alors qu’ils n’étaient qu’un quartet sans instrument harmonique, les argonautes et leur leader maturent plutôt bien, dans un style de jazz qui aura toujours de l’avenir. A suivre.
Yves Dorison
https://www.noetavelli.com/projects-fr/noe-tavelli-the-argonauts
Klarthe Records
Olivier Calmel : piano & compositions
Johan Renard : violon
Frédéric Eymard : alto
Xavier Phillips : violoncelle
Clément Petit : violoncelle
Antoine Banville : batterie & percussions
Voilà un sextet sous influence se référant à Prokofiev, Bartók ou encore Ligeti, et même Roger Calmel, père du pianiste. Ne cherchez pas le swing (encore que) et voyez l’exercice musical qu’il s’impose et qu’il nous propose comme une aventure défiant les codes. Si l’on s’en tient aux noms de compositeurs cités plus haut, cela pourrait être abscons et rébarbatif. C’est tout le contraire. Débordant d’énergie et d’idées, le groupe nous jette aux oreilles une musique où la polyrythmie se sent bien, où la métrique emprunte des chemins détournés et où les textures ne manquent jamais d’épaisseur. Bourrées de surprises auditives, la musique du sextet ne laisse pas beaucoup de répit à l’auditeur et l’improvisation sur les thèmes complexes ouvrent de grands espaces propices à la rêverie. Sur le fil, entre deux mondes qu’il réunit, jazz et musique de chambre, Olivier Calmel réussit un tour de force que d’autres ont essayé d’accomplir avant lui, mais à notre avis, pas avec une telle réussite. La raison ? Il y a de la vie dans ce disque, et même une joie de vivre par cette musique. L’académisme ronflant n’y trouve pas sa place et c’est très bien comme ça.
Yves Dorison
https://www.oliviercalmel.com/double-celli