vendredi 30 avril 2022

Tiens ! Un concert de jazz qui me fait envie… Pas fréquent ces temps-ci. Bref. Dans le quartier lyonnais de la Croix-Rousse qui m’a vu naître, autrefois populaire (souvenez-vous des canuts et de leurs révoltes en 1831, 1834 et 1848) et aujourd’hui (trois fois hélas) totalement embourgeoisé, l’association agend’Arts fait figure de dernier des mohicans en proposant une programmation accessible avec nombre d’artistes régionaux, pointus dans leur genre et fondamentalement indépendants. Militante de la culture pour tous et ancrée dans la chanson, il arrive qu’elle fasse une place au jazz. Une bonne raison pour entrer dans ce lieu exigu (une cinquante de places) autant que convivial à la rencontre de Federico Casagrande et Nicolas Bianco, un duo guitare / contrebasse comme je les aime. Le contrebassiste, le régional de l’étape, travaille avec le guitariste italien depuis plusieurs années et ils ont à ce jour commis deux albums sur le label IMR, label indépendant créé et animé par le batteur Bruno Tocanne. Sur des compositions du contrebassiste, les deux musiciens ont livré un concert tout de douceur et de souplesse rythmique. Ils ont convoqué des mélodies simples (je n’ai pas écrit « faciles ») qui se glissent sans faillir dans le cerveau des auditeurs et y demeure longtemps. Une ligne ici, une autre là, qui se rencontrent et se croisent pour une contexture propice à la rêverie, à l’échappée belle ; des harmonies habiles et éloquentes, un style quoi, reposant sur la volonté créative d’artistes infiniment immergés dans leur discours commun ; de quoi choyer et nourrir les pavillons auditifs qui avaient réservé leurs places, de quoi les plonger dans une langueur amitieuse construite sur des murmures frôlant l’élégiaque. Un duo économe et pondéré de poètes à dix cordes qui narre des histoires musicalement humaines, après tout et avant que le néant m’absorbe, avais-je besoin d’autre chose pour que le bien-aise me gagnât ? Non. Et puis cela se passait un 29 avril, jour de naissance d’Edward Kennedy Ellington (1899), dit le Duke, jour béni pour les jazzeux (pas les oui oui). Un beau jour en somme, avec des planètes bien alignées, d’autant plus beau qu’en 1720, toujours un 29 avril, les parisiens massacrèrent quelques dizaines de policiers accusés de rafler des enfants des femmes et des vagabonds afin de les envoyer dans la colonie de Mississipi ; un beau jour pour les énervés aussi. Et comme en 1968, ce même jour, les Shadoks débarquèrent à la télévision, c’est également un beau jour pour les poètes de l’absurde. J’en suis encore tout tourneboulé…


NICOLAS BIANCO & FEDERICO CASAGRANDE
L’homme monotone
IMR Records