Jeudi 12 mai 2022

À l’Opéra Underground de Lyon, les concerts débutent à vingt heures pétantes. Une heure et quinze minutes plus tard, c’est bouclé et tu es déjà dans la rue alors que la nuit n’est pas encore tombée. Hum… Est-ce dû à la moyenne d’âge des spectateurs ? Je n’en sais fichtre rien. Bref, sur les marches de l’institution et dans la douceur printanière, je songeai qu’écouter un autre concert serait une option envisageable. Mais mes oreilles venant d’être farcies par un jazz assez dense pour être honnête, je décidai raisonnablement de regagner mon carrosse d’abord et mes pénates ensuite. Avant cela, Stephan Oliva, Sébastien Boisseau et Tom Rainey, le trio Orbit, étaient sur scène avec des compositions n’ayant pas encore eu le temps de sécher. Et comme il n’avait plus joué depuis un bout de temps conséquent, la faute à quoi vous savez, je ressentis de temps à autre à leur écoute une forme plus ou moins marquée de retenue, comme si leur trio se basait sur un académisme contemporain de très bonne facture les empêchant néanmoins et intrinsèquement de sortir des sentiers rebattus. Je connaissais fort heureusement le trio et sut reconnaître là le léger trac de la reprise. Il y eut toutefois de beaux moments où ils réussirent à sortir des partitions et à insuffler à leur musique la dose incontournable d’épices requise pour faire monter la sauce et emporter le public avec eux ; n’oublions pas à qui nous avons affaire, n’est-ce pas. Les trois, ensemble, se tournèrent autour, se croisèrent et se réunirent au gré de leur interaction. De cette dynamique naquit un espace musical protéiforme propice à la multiplication des points de vue. Dans l’élasticité du cadre, les couleurs et les résonances varièrent à l’envi, tout comme dans l’énergie primale du trio, la profondeur des lignes successives n’en demeura pas moins tangible. Ce fut de la belle ouvrage, à l’effervescence un peu trop sage encore, mais qui laissa deviner un futur qui n’ignorera pas l’excellence. Laisser du temps au temps et l’affaire sera dans le sac, un très beau sac finement dessiné, construit autour de lignes pures, de celle qui définissent l’élégance. C’était hier à l’opéra de Lyon, un mercredi 11 mai, jour qui vit naître en 1936 Lovella May Borg, une femme très sympathique qui fit de la musique en empruntant l’escalier mécanique sur la colline, qui composa également de la musique pour le diner avec un appétit tropical et j’en oublie beaucoup. J’aimerais la voir une fois de plus en concert interpréter des chansons avec des jambes ou renouveler la théorie du big band, lui dire bonjour et la saluer pour l’ensemble de son œuvre car, voyez-vous, son jazz m’a souvent mis sur orbite.