Une soirée différente à Jazz Campus en Clunisois pour un festival qui fait toujours la différence.
jeudi 25 août
Journée estivale sur le Clunisois et rendez-vous musical en soirée avec une jeune bandonéoniste qui monte, Louise Jallu, dont personne ne dit de mal. J’avais pris la peine de ne pas l’écouter avant et de ne rien lire la concernant, histoire d’accueillir l’esprit libre, dans une totale objectivité, ses relectures des compositions d’Astor Piazzolla. Accompagnée par trois instrumentistes haut de gamme (Matthias Lévy au violon et à la guitare électrique, Grégoire Letouvet au piano et au Fender Rhodes, Arthur Henn à la contrebasse), elle déroula les pièces de son disque consacré au maître avec un engagement non feint, une science du rythme et un phrasé impeccables. Privilégiant l’esprit plutôt que la lettre, ses arrangements s’avérèrent être des créations plus encore que de simples relectures. Tomás Gubitsch, qui joua avec Piazzolla, a lui aussi pour une part, œuvré en ce sens avec le succès que l’on sait. Incluant quelques bruitages et la voix du bandonéoniste, sa musique, parfaitement homogène, voire époustouflante, bénéficia pleinement de la virtuosité des ses acolytes. Dans une salle plus que comble, la réception de son travail fut enthousiaste et deux rappels furent nécessaires. C’est là que je vis les limites du genre. J’avais noté tout au long du concert en regardant les musiciens les yeux rivés sur les partitions que cette musique ne laissait pas (ou très peu) de place à l’improvisation. Dans un festival dont l’ADN est l’exercice plein et entier de l’improvisation sous toutes ses formes, cela dépareilla un tantinet. Mais qui sait si le concept originel choisi par Louise Jallu n’est pas propice propice à un formatage que même la fougue juvénile n’arrive pas à masquer ? Quoi qu’il en soit, au second rappel, j’eus préféré un petit solo improvisé ou toute autre forme libre (c’est mon côté vieux con) plutôt qu’une réinterprétation du premier morceau du programme ; petite erreur de jeunesse sans aucun doute ne prêtant pas à conséquence. Il n’en demeure pas moins que ce fut une belle soirée de musique qui donna aux spectateurs de beaux sourires. Au bout de la nuit, après avoir appris le décès subit de l’organiste Joey DeFrancesco (1971-2022), l’envie d’écouter une fois de plus le Tango perpétuel d’Alberto Neuman me prit car il offre une poésie d’une telle rareté et d’une telle profondeur que je l’écouterai encore mort et enterré (le plus tard possible, merci). Cette belle affaire eut lieu un 25 août, jour qui vit l’Uruguay accéder à l’indépendance en 1825.