Signe Emmeluth en quartet à Lyon : free dynamite dans un Périscope quasi vide. C’était la faute au foot... et c’était vachement mieux que bien.
Mardi 11 octobre 2022
Signe Emmeluth, dans quelque formation qu’elle apparaisse ne laisse pas indifférent. Dans la sienne, Emmeluth’s Amoeba, elle est celle qui flamboie à la tête d’un quartet avec lequel elle partage l’affiche depuis un bon bout de temps maintenant. Cela s’entendit clairement et cela se vit dans leurs rapports interactifs du début à la fin du set auquel j’assistai. L’autre soir au Périscope, dans une salle honteusement proche du vide absolu (huit entrées), le quartet fit comme si de rien n’était et lâcha les chevaux, à la poursuite d’un idéal ou d’une chimère, d’un moment de grâce ou d’une parcelle d’oubli. C’est du moins ce que je ressentis à les voir se débattre avec les rythmiques contradictoires, entre frappe épaisse, accords ravageurs et soli de saxophone alto brut proche du nec plus ultime. A ce niveau de puissance sonore, aussi étonnant que cela m’apparut, je notai que leur positionnement face à la musique approchait peut-être bien le nec plus intime. Dans sa débauche de raucité comme dans l’exténuation des souffles soudainement chuintés, Signe Emmeluth découvrit une personnalité que le dépassement du raisonnable n’apeurait pas, bien au contraire. Cernée pas des voix fortes, un pianiste (Christian Balvig) sûrement détesté des accordeurs, un guitariste (Karl Bjorå) au discours indispensablement abscons et un batteur (Ole Mofjell) plus enclin au martelage intempestif requis par les compositions qu’au subtil balayage, la saxophoniste mena une sorte de danse païenne convoquant et le chaos et le lyrisme, sans jamais se départir d’une liberté organique irrépressible. Les quelques oreilles présentes dans la salle en prirent plein la tronche mais ne parurent pas abattues pour autant. Ce qui me conforta dans l’idée qu’il est possible de tout écouter, pourvu que les œillères soient dénigrées, oubliées, niées. Quoi qu’il en fut, leur musique viscérale et foutrement expressive mit un joyeux bordel dans l’air ambiant et je n’eus qu’à m’accrocher au siège et à mon appareil photo pour ne pas finir plus plat qu’une limande contre le mur du fond ou littéralement fondu dans le décor périscopien tel un fossile pas encore daté au carbone 14. En ce 11 octobre qui vit naître Lester Bowie (1941), j’aimai être bousculé et secoué par le feu vital d’Emmeluth’s Amoeba, pour le meilleur et sans le pire. Aujourd’hui encore les braises de leur set incendiaire rougeoient dans mon petit cerveau et, il faut bien le dire, certains concerts laissent des traces mémorielles durables quand d’autres passent aux oubliettes à la vitesse de l’éclair. C’est ainsi et c’est très bien comme ça.