Vendredi 04 novembre 2022

À cette époque de l’année, quand il fait un temps de merde (de merde de chez merde), j’ai deux options : me carrer devant le poêle avec un bouquin ou aller au concert. Faisant preuve d’un admirable courage et d’une gigantesque abnégation (allez donc vous garer dans une ville toujours en chantier…), j’ai pris mon carrosse et, roule ma poule, direction Mâcon et le Crescent. Et pourquoi donc, je vous le de-mande ? Pour écouter la jeune néerlandaise Sanne Sanne. Qui ? Sanne Huijbregts. Avec un nom de famille pareil, tu peux désespérer vingt générations de dyslexiques… Enfin bref. Dans l’atmosphère toujours chaleureuse du club, me firent face quatre parfaits inconnus. J’avoue que j’aime ça, que je ne me lasse pas de découvrir. Folk jazz était-il écrit. Folk, oui, mais contemporain, avec de belles harmonies vocales. Jazz, un tout petit peu si l’on considère que quelques dérapages très contrôlés eurent lieu ici et là au gré des chansons. Pour l’essentiel, ce fut aérien et inspiré. Sanne Sanne proposa un univers qui lui est propre et l’orchestration, avec un alto, un électrosynth (un vibraphone électrique), quelques clochettes, un contrebassiste et un batteur, lui permit d’aborder ses compositions sous divers angles, notamment de façon asymétrique. Des brisures rythmiques régulières retinrent mon attention (celle du public aussi) tout comme cette façon particulière de projeter la mélodie avec retenue avant de se laisser gagner par l’émotion. Une chose est certaine, ces quatre musiciens montrèrent à l’envi qu’ils aiment la scène et la musique qu’ils jouent. Spontanés et souriants, ils firent les choses sérieusement sans se prendre au sérieux et rangèrent à leur cause les auditeurs qui demandèrent deux vibrants rappels. Le premier fut exécuté a capella et le second, le groupe n’ayant plus rien en stock, fut chanté par Sanne Sanne en solo ; elle démontra pour l’occasion qu’avec des loops on peut faire des polyphonies en solitaire et cela me satisfit, comme l’ensemble de la soirée d’ailleurs. Mais je vous l’accorde, le jazz n’avait pas grand-chose à voir là-dedans, ce qui en soi n’eut rien de dramatique. Cela me donna juste envie de réécouter un peu de David Crosby, le plus original des folkeux à mon sens (souvenez-vous de sa « Guinevere » reprise en son temps par Miles lui-même), l’un des plus barrés aussi et qui survit encore avec une voix ayant résisté à tous les affronts. C’était un 04 novembre pluvieux, jour qui vit naître en 1946 le bon pote de Patti, le photographe Robert Mapplethorpe. Toujours pas jazz cette affaire, mais tellement bon.


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