Samedi 28 janvier 2023

Un autre samedi soir baigné dans la convivialité du Crescent des bords de Saône. Après le chant méditerranéen de Catali Antonini la semaine dernière, c’est l’Amérique du sud qui s’invita dans mes oreilles avec un trio brésilien, celui d’Andre Marques. Le gars n’est pas un inconnu chez lui. Il a trente ans de carrière et un curriculum aussi long qu’un jour sans pain, en particulier un long compagnonnage avec Hermeto Pascoal, ce qui n’explique pas que je sois passé à côté. Pour tout dire, la musique sud-américaine, ce n’est pas ce que je préfère. Ne me demandez pas pourquoi, ce doit être génétique. Mais en bon pérégrin « open minded » (il paraît que c’est classieux de nos jours le recours à l’anglicisme à la noix), j’y suis allé les yeux fermés avec un unique crédo : why not ? Accompagné par le contrebassiste Marcel Bottaro et le batteur Rodrigo Digão Braz, le natif de São Paulo démontra un redoutable savoir-faire et une générosité non feinte. Tout au long des deux longs sets, il mit le Brésil et ses rythmes multiples au cœur de sa musique, mais l’habillage, le corps, fut clairement celui d’un jazz contemporain vif et alerte, serpentin et rythmé. En osmose parfaite avec son batteur, un gars au sourire perpétuellement accroché au visage, il joua au chat et à la souris, le provoquant en toute occasion, l’autre lui rendant la pareille avec un brio amusé. Je notai au passage que le plus percussif des deux était le pianiste, le batteur accompagnateur étant d’une légèreté et d’une souplesse confondantes ; entre les deux le contrebassiste se dut d’être costaud et, de fait, il m’apparut aussi solide que le pain de sucre à Rio. Ce fut tout le bonheur de la soirée de voir à quel point l’interplay fonctionna et de constater que la versatilité et la vélocité du pianiste était comprise et relancée par des artistes tout aussi inventifs que lui. Il y eut d’ailleurs peu de temps mort dans ce concert et le rappel final n’arrangea pas les choses. Entamé par un solo éruptif du batteur, rejoint ensuite par le contrebassiste qui s’exprima lui aussi avec vigueur avant que le pianiste ne revint mettre le feu aux poudres, il se déclina en mode furieux, les trois musiciens ayant à cœur d’en donner encore plus au public chaleureux qui les avait si bien accueillis et qui, autour de minuit, frôla l’extase orgasmique (je n’ai pas vérifié, je sais me tenir). Une belle soirée donc où, en branleur averti qui n’avait pas vérifié l’état de ses batteries avant le concert, je dus emprunter à Marc Bonnetain, correspondant du JSL (Journal de Saône et Loire) son Nikon (ni soumis) pour quelques photos de plus. Qu’il soit ici remercié. Pour l’histoire, sachez également que ce 28 janvier vit la première publication en 1813 d’Orgueil et Préjugés, de Jane Austen. Hélas, plus tôt dans la journée, j’avais appris le décès de Tom Verlaine, ce qui nous prive ad vitam aeternam de Television. Cela me touche moins que le départ de Crosby mais tout de même, c’est un sale mois de janvier pour les rockers.


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