Samedi 08 avril 2023

Une personne m’avait parlé de Lucia Cadotsch par le passé. Je ne sais plus qui, ni ce qu’elle m’avait dit d’elle. Quoi qu’il en fut, j’avais écouté ses divers projets en amont et ce fut amplement suffisant pour que je descende de mon plateau jusqu’aux bords de Saône, au Crescent (qui, si cela continue, va devenir ma résidence secondaire…). Je notai dès mon arrivée que le quartet serait entièrement acoustique et que Kit Downes ne serait pas présent (remplacé par Manuel Schmiedel) alors qu’il l’est sur le disque à venir. Le jazz qui suivit durant les deux sets fut construit sur des mélodies plus cérébrales qu’organiques (composées essentiellement par la chanteuse et le pianiste absent), si j’excepte la reprise d’un morceau du tandem Weil / Brecht en hommage à Rosa Luxemburg. Exécuté en trio, sans l’instrument harmonique et avec les paroles traduites en anglais, Ballad of a drowned girl révéla un intéressant contrepoint entre la voix distanciée de Lucia Cadotsch et sa rythmique créatrice d’une atmosphère pesante et viscérale, contrepoint plus ou moins affirmé sur le reste des titres d’ailleurs. Avec un trio très musical, malgré la verdeur du projet, trio auquel elle laissa un morceau par set, la chanteuse développa un univers contemporain sur lequel sa voix, jamais sujette à l’emportement, participa à une trame que la polyrythmie souvent convoquée rendit savante. Ce ne fut pas chiant pour autant car le quartet sut, en ne lâchant jamais la mélodie, rendre simple, ou du moins évidente, cette complexité narrative. James Maddren se montra derrière ses fûts d’une clarté dynamique et d’une inventivité magistrales. Manuel Schmiedel et Phil Donkin ne furent pas en reste, ce qui donna à Lucia Cadotsch l’assurance nécessaire pour habiter pleinement les compositions du groupe. Allez savoir pourquoi, je songeai que Bowie aurait aimé l’atmosphère convoquée par le quartet. Il aurait également apprécié, je crois, la diction claire, la précision et les modulations discrètes de la chanteuse dans l’exercice de son art. À quelques exceptions près, le public adhéra sans problème à cette musique à la croisée des chemins et demanda bruyamment le rappel qui fut une reprise d’un des titres joués durant la soirée. Je vis là, dans le manque de matériau musical à disposition et la brièveté relative des deux sets, le seul bémol de la soirée. J’en en aurais volontiers pris une louche de plus, ou deux, surtout un 08 avril ensoleillé et frisquet, jour qui vit Pétrarque consacré prince des poètes (1341) et jour aussi de sortie du premier album éponyme des Clash (1977). Merde ! 1977… Lucia Cadotsch et ses acolytes ne savaient même pas qu’ils naîtraient un jour et qu’ils feraient un soir, un autre jour d’un autre siècle, un concert à Mâcon en ma présence. Et puisque j’en suis là, je signale à l’inculture régnante que London calling n’a rien à voir avec le général De Gaulle. Non mais…


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