Samedi 1er juillet 2023

Fareins (01480), terre de culture ? Oui. Un festival de jazz et une biennale d’art contemporain, c’est déjà pas mal pour un village d’environ deux mille habitants. C’est d’ailleurs avec cette biennale, Art Fareins, que le chien à 3 pattes et l’association Shih Chun Lee ont concocté un partenariat afin que le trio Tatanka s’y produise. Un mélange des genres et des arts fort pertinent selon moi. Initialement prévu dans le parc du château qui accueille l’événement, au beau milieu des sculptures (dont certaines m’interrogeraient encore si je n’étais pas si fainéant), le concert fut finalement donné dans une salle adjacente (trop blanche pour être club) car la météo était pourrie. La salope, eussé-je dû m’exclamer ! Mais bon, à l’ère post Metoo, c’est souvent mal interprété. Eussé-je dû hurler la putain de sa race ? En plein wokisme, un bûcher m’eut été réservé. Heureusement pour moi les intégristes de l’écologie sont contre, bilan carbone oblige. Je me contentai donc d’affirmer à mi-voix, sans effet de manche, ce qui pour un Don Quichotte du jazz est une hérésie de la Mancha, que la climatologie ambiante était indigne d’une soirée estivale et pour le moins défavorable, voire inopportune, à la libre expression de la culture musicale. Avec des phrases de cet acabit, si neutres qu’elles en sont grises à souhait, je pourrais finir ministre… Tatanka joua malgré tout sa musique, musique que j’aime depuis ce concert au Périscope de mai 2018 qui me la fit découvrir. L’espace est toujours la grande affaire du trio. Pas le truc avec des satellites et des trous noirs, non, juste celui qui existe sur terre en quelques lieux et qui me donne un sentiment de liberté primale quand d’aventure je le parcours. Lié à la culture amérindienne, le discours du trio demeure un parangon du lyrisme paysager et de l’introspection organique savamment emmêlés. Entre mélodies obsédantes et déraillements contrôlés, il creuse des lignes musicales reflétant la diversité des sens et l’appartenance de l’humain à un tout. Ce pourrait être frustrant pour l’auditeur et les musiciens car le mystère demeure. C’est donc jouissif car le mystère demeure. N’essayez pas de me dire le contraire, je ne vous crois pas. Enrichie par quelques effets (plus qu’en 2018 me semble-t-il) et quelques filets de voix, les compositions du groupe furent donc le reflet d’un état d’esprit qui ne transige pas avec la mièvrerie. Elles l’ignorent et s’attachent à une réalité poétique qui mérite d’être célébrée, celle d’une diversité en son temps massacrée et aujourd’hui, hélas, de la diversité dans sa multitude, toujours contestée par les tenants à la mémoire défaillante de l’uniformisation : une belle bande d’abrutis prêt à tout sacrifier pour épaissir des comptes bancaires et satisfaire un incommensurable goût du pouvoir en laminant la liberté de conscience, notamment celle du jazz dans ce qu’il a de meilleur. Et oui, la musique est politique car tout est politique, au vrai sens du terme. Le langage utilisé par Tatanka est donc celui d’artistes concernés, ce qui devrait être un pléonasme, soit-dit en passant. C’est tout le mérite des associatifs de les mettre en lumière et de les offrir à des tarifs accessibles à un public pas nécessairement connaisseur mais curieux. La voilà la bonne nouvelle ! La curiosité bouge encore. La preuve, pleine était la salle farinoise pour écouter le chant des plaines amérindiennes. Tout ceci un 1er juillet, jour qui vit en 1908 l’entrée en vigueur du SOS (… --- …). C’est également le jour du décès d’Erik Satie (1866-1925) et je me demande si certaines de ses mélodies n’ont pas été composées en morse.


Tatanka :

Emmanuelle Legros : trompette
Guillaume Lavergne : piano
Corentin Quemener : batterie


https://www.facebook.com/TatankaTrio/?locale=fr_FR