Vendredi 21 juillet 2023

J’ai vu un yéti en bourgogne ou, souci d’exactitude de ma part, je l’ai vu et écouté. Constitué de trois entités, une trompette et une guitare toutes deux bourrées d’effets auquel était joint un batteur sans effet et pas bourré, il émit une musique particulière. Un drôle d’animal qui fit plus confiance aux profondeurs de son âme qu’au regard de l’autre. Sa musique déroula les émotions, créa du paysage, inventa de l’atmosphère et génèra un continuum sonore d’une densité et d’une homogénéité suffisamment rare pour être signalée. Du gros son comme je l’aime, mais clair et nourri de détails, bien assez pour me faire décoller et profiter du voyage, que ce soit au paradis des vikings ou ailleurs, dans un rêve éthéré, entre les brumes évanescentes de lieux incertains, toujours susceptibles d’éclairer des ténèbres a priori condamnées au noir oubli du temps humain et que seule l’improvisation peut sauver. Une musique de clair obscur relevée d’éclats sensibles, une musique originale qui défie la temporalité, ce fut évidemment un vrai bonheur d’écoute. Hélas, ce trio magique fut programmé sur l’esplanade Lamartine en début de soirée, en plein jour, face à un public distrait. Il lui eut fallu un écrin nocturne, une enveloppe douce et interrogative pour l’auditoire, un espace propice à la transmission des chimères, un étui pour l’onirisme et les secrets que ce yéti dévoila au fil des compositions. C’était qui plus est un 21 juillet, le jour où un humain a marché pour la première fois sur le sol lunaire. Le 21 juillet, ça vend du rêve, nom de dieu ! Yoann Loustalot et ses collègues aussi. Alors que faire face à un public qui préfère aller commander une bière plutôt que de demander un rappel ? … C’est une putain de bonne question. Le Crescent a eu raison de programmer ce magnifique trio, mais pas des ces conditions-là. Certes je peux affirmer, je ne serai pas le premier, qu’au moins ce public aura, une fois dans sa vie vu (et écouté ?) une musique exigeante autant qu’habitée. Est-ce mieux que rien ? Peut-être. Il m’arrive néanmoins de douter du bien-fondé de la proposition. Et tiens donc, le 21 juillet est également le jour de naissance d’Helen Merrill (1930). Quand je vous dis que cette date vend du rêve ! Ce fut malgré tout un excellent début de soirée et je laissai Pan G, une musique antillaise revue et corrigée, non sans avoir tenu les dix premières minutes de leur prestation, à leurs aficionados. Les goûts et les couleurs, n’est-ce pas. Cela n’enlève rien au festival du Crescent et à sa qualité intrinsèque, à sa convivialité aussi, d’autant plus que les photographes peuvent y travailler tranquilles, ce qui de nos jours est aussi rare que précieux.


Yoann Loustalot : trompette, bugle, effets
Giani Caserotto : guitare, effets
Stefano Lucchini : batterie


https://yoannloustalot.com/