Des indiens en Charente ?
Vendredi 15 septembre 2023

L’Impérial Quartet ouvrait les festivités au festival Jazz(s) à Trois-Palis ce 15 septembre dernier qui vit naître Cannonball Adderley (1928-1975). Un bon jour pour les saxophonistes donc. Toujours énergiques et festifs, les quatre lascars se lâchèrent comme à leur habitude avec une joyeuse férocité, ce que l’on nomme aussi expressivité. Leur propos musical du soir ? La Louisiane, cette portion de sud atypique, avec une œillade accentuée vers les indiens de cette région. De cet espace géographique où différentes cultures se mêlèrent comme nulle part ailleurs, ils tirèrent une musique vibrante et pour le moins enragée à bien des égards. Le batteur cogna à bras que veux-tu, le contrebassiste fouilla dans ses cordes avec vigueur et les saxophonistes soufflèrent à bouche que veux-tu, provoquant une tempête dans le foyer communal et quelques belles permanentes sur les cheveux des premiers rangs. D’un moment l’autre, ils virèrent de l’acadien au cajun, du zydeco au quasi caribéen, avec une once de free et, en toute occasion, n’omirent pas de virer sur les jantes pour faire fumer la gomme. Quitte à être foutraque, autant bien faire les choses et flinguer les vitamines à disposition pour accoucher d’une musique impériale aux rythmes incendiaires. Ceci dit, n’allez pas croire qu’ils firent tout et n’importe quoi car, non contents d’être allègres, ils démontrèrent par le menu (pas le truc si fin qu’il en est diaphane, le menu quoi, entrée, plat de résistance, fromage et dessert, vin à volonté) que leur discours était basé sur un collectif d’individus à l’écoute, une entité dotée d’une belle virtuosité, de celle que l’on supporte car elle sert la musique. Et quand les musiciens servent la musique, ils servent le public ; ce dernier fut conséquemment plus que réceptif et la performance n’en fut que plus belle. Au final, ce fut un improbable et beau voyage dans un terreau musical aux racines métissées et, comme chacun sait, le métissage accouche toujours de beautés presque insoutenables qui donnent à nos rêves leur lustre et leur splendeur. Cela déplaît évidemment aux égarés de la pureté (raciale ou autre) mais, quand on jette un œil dégoûté à leurs tronches, les dégâts font peur à voir. Et encore, on ne voit pas le cerveau. J’en frissonnerais presque. Heureusement, à Trois Palis, le patron s’appelle Tocanne et cela suffit pour les tenir à distance. Quant à moi, n’ayant pas à rentrer dans ma grotte, je songeai en m’endormant que si Linda Rondstadt pouvait encore chanter (ce n’est plus le cas), on aurait pu l’inviter pour interpréter Blue Bayou au clair de lune, après la pluie.


Antonin Leymarie : Batterie, percussions
Damien Sabatier : Saxophones alto, sopranino
Gérald Chevillon : Saxophone ténor
Joachim Florent : Contrebasse


https://www.jazzsatroispalis.com/