Il y a quelques années que je n’avais plus vu Jeremy Pelt sur scène. Une bonne occasion de voir où en est le trompettiste.
Dimanche 29 octobre 2023
En ce trois-cent-deuxième jour de l’année en cours, jour qui vit disparaître Jean-Jacques Brochier (1937-2004), auteur méconnu longtemps rédacteur en chef de feu le Magazine Littéraire (à la grande époque), il y avait du jazz au Crescent. Il fêtera d’ailleurs en 2024 ses trente ans. Comme le temps passe… La preuve, Jeremy Pelt à déjà usé quarante-six printemps. Je vous rassure, il est en pleine possession de ses moyens. La maturité, comme on dit. Tout ça pour dire que jeune encore, il peut être accompagné par plus jeune que lui et je devrais subséquemment écrire qu’il récolte les jazzmen à peine éclos, ce qui rend caduque le titre de cette chronique, l’automne fait le reste. Ceci posé, pour la dernière date de leur tournée européenne, le quintet livra deux sets généreux. Au premier, le trompettiste se tint légèrement en retrait, donnant le la et intervenant de manière mesurée, laissant de facto de grands espaces d’expression aux gamins qui l’accompagnaient. Ces derniers ne laissèrent pas passer l’aubaine et, dès le premier morceau, les soli s’enchaînèrent sur un rythme endiablé, démontrant au passage que leurs qualités techniques légitimaient leur présence au côté du patron. Mais leur enthousiasme les dépassa un peu et l’on eut droit à quelques avalanches de notes assez ostensibles pour étouffer la musicalité première. Le guitariste fit fumer les cordes et son manche, le vibraphoniste ne laissa aucun répit à ses lames et le batteur dégomma consciencieusement et les fûts, et ses cymbales. Seul le contrebassiste, tout virtuose qu’il fut, demeura relativement modéré. Il faut bien que jeunesse se passe, (il faut bien que vieillesse trépasse). Au premier rang, mes ouïes subirent sans broncher l’orage en cours car, après tout, ces gosses joyeusement hilares étaient trop contents d’être là, dans un club bondé et réceptif. Avoir en sus la confiance du boss leur donnait des ailes ; les anciens vous le diront (ceux qui survivent encore), c’est ainsi que tout bon apprentissage doit être réalisé, sur le terrain, pas au conservatoire. Au second set, Jeremy Pelt reprit son rôle de leader et sa présence musicale s’accrut. Quelques beaux soli, dont une ballade de toute beauté qu’il débuta seul et acheva en duo avec le guitariste, sortirent de son instrument, confirmant ainsi son statut, ce qui en soi était inutile. Le gars s’appelle Jeremy Pelt, tout de même. Un dernier morceau sur les chapeaux de roue, un rappel lestement apaisé, et le tour fut joué, et le public fut conquis. Venerunt, viderunt, vicerunt. La fin d’après-midi dominicale fut donc festive à souhait, débridée, mais j’eus toutefois préféré que la musique fût un peu plus nuancée, qu’elle respirât. Trivialement exprimé : moins brut de décoffrage. Au cas où vous l’ignoreriez encore, chipoter est un art qui me sied depuis toujours (ou presque), c’est juste histoire de dire, car en fin de compte, que ferai-je sans jazz ?
Jeremy Pelt : trompette
Jalen Baker : vibraphone
Alex Wintz : guitare
Leighton Mckinley-Harrell : contrebasse
Jared Spears : batterie