La voix de Marion Rampal et le piano de Pierre-François Blanchard, formule sobre et épurée pour une musique lumineuse, rien que la musique.
C’est intitulé "Le secret".
Espace culturel d’Agon-Coutainville
Dimanche 12 novembre 2023, 17h30.
Marion Rampal : voix
Pierre-François Blanchard : piano
Je ne suis pas dingue des disques de Noël mais il y en a un que je sors tous les ans avec le même bonheur : les Pieces for Christmas Peace du Sixtine Group que dirigeait alors le saxophoniste Raphaël Imbert.
Enregistrer des chants de Noël en plein cagnard au mois de juillet 2006 dans une petite église du Haut-Var, c’est un peu anachronique et presque héroïque. Pourtant, tout sonne juste dans ce disque et en particulier une voix qui s’élève dans la réverbération naturelle de l’église, celle de Marion Rampal. Cette jeune musicienne de 26 ans collaborait à son premier enregistrement après son cursus à l’IMFP de Salon-de-Provence et son entrée dans la compagnie Nine Spirit de Raphaël Imbert à Marseille.
Depuis, elle suit un beau cheminement de musicienne, vocaliste, parolière et interprête sur ses propres voies sans jamais trop s’éloigner des projets de son mentor, l’incontournable R. Imbert. Nous avons donc eu maintes occasions de la suivre sur scène ou sur disque...
Cette fois, c’est le Service Culture et Animation de la mairie d’Agon-Coutainville qui a eu la bonne idée de l’inviter pour un concert de fin d’après-midi en ce dimanche très automnal, le 12 novembre.
Au programme, son duo avec le pianiste Pierre-François Blanchard sur un répertoire assez libre et éclectique qui va de Gloria Lasso à Gabriel Fauré en passant par Robert Johnson, Léo Ferré, Brigitte Fontaine et Pierre Barouh. Éclectique et inclassable pour les amateurs d’étiquettes autant que peut l’être "l’Âme des poètes" de Guillaume de Chassy et Élise Caron qui revisitent aussi des chansons dans un registre plus sombre et réaliste. Cependant, en filigrane, on ne lâche pas l’esprit du blues qu’elle affectionne. Un disque est paru en 2019, intitulé "le Secret". Un Jardin secret, qui cache de jolies suprises.
Nous voilà embarqués. Plus d’une heure de navigation poétique et musicale pour notre plus grand plaisir. Car l’eau, la mer sont très présentes dans ce programme à travers les chansons (de marins, "Des ronds dans l’eau" de Pierre Barouh, la Tempête de Shakespeare aussi...). La mer est proche et la pluie fait presque des claquettes en passant à travers le plafond un brin passoire d’une salle pourtant belle et confortable.
Un bon piano et un pianiste au toucher subtile et à l’imagination fertile, une voix simple, sobre, naturelle et très expressive, un contact chaleureux avec le public voilà la recette de ce concert captivant sans artifices. Rien que la musique et ce qu’il faut de lumière, pas d’effets inutiles ni d’enfumage intempestif comme c’est trop souvent le cas désormais. L’absence d’effets visuels n’empêche en rien l’écoute attentive et active, bien au contraire dès lors que la musique est là.
Et c’est bien le cas avec Marion Rampal, musicienne qui n’a jamais cherché à se faire passer pour une diva du jazz ni à dériver vers l’attrait du succès et de la médiatisation façon musiques actuelles.
Le jazz et le blues, elle connaît ! Guidée par le musicologue-chercheur Imbert, elle a puisé une partie de son inspiration dans le blues profond de la Louisiane et des alentours (elle fait d’ailleurs référence ce jour-là aux travaux de l’ethnologue-collecteur Alan Lomax) mais aussi dans l’art de Leyla McCalla, par exemple. Pour le jazz, outre son travail dans la sphère du jazz marseillais et ailleurs, elle a pour maître à penser Archie Shepp avec lequel elle a noué une solide amitié (elle collabora à la renaissance en France de l’Attica Blues Big Band) et ne manque pas de l’inviter sur ses disques.
Alors, on se laisse porter par la musique qui peut nous surprendre en remettant en lumière des chansons, des mélodies inconnues ou oubliées. L’équilibre entre la voix et le piano, l’expressivité de la vocaliste, la connivence qui s’installe avec un public vite conquis contribuent à l’harmonie du moment. Tout sonne juste, y compris dans le choix de la conclusion du concert avec "La terre conquise" de Colette Magny qui fait écho à notre triste actualité. Tout cela, c’est la clé de la réussite.
En rappel, ils choisissent "Des ronds dans l’eau" de Pierre Barouh. Alors Pierre-François Blanchard réveille avec émotion quelques anecdotes de ses débuts d’accompagnateur de de musicien auteur-compositeur assez atypique, co-fondateur des éditions Saravah. Final sensible : le secret s’est un peu dévoilé...
Dehors, il ne pleut (presque) plus. On croit rêver.
À noter : Début 2024, Marion Rampal va entamer une résidence de trois années à Coutances (Jazz sous les pommiers) conjointement avec le tromboniste Robinson Khoury. Elle aura donc la possibilité de développer divers projets entre mer et bocage... |
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