Un quartet multi vitaminé dans le Pêle-mêle Café du bord de Saône
Jeudi 22 février 2024
Comme je ne connaissais pas Lown, formation à géométrie variable programmée par le Chien à trois pattes et dont le nom signifie couleur en persan, je suis allé faire un tour au Pêle-mêle café avec des conduits auditifs dénués d’idées reçues et de préjugés. C’était un 22 février, jour où naquit en 1788 le brillant humoriste Arthur Schopenhauer qui, pour être en accord avec notre soirée, avait écrit dès 1815 un essai sur les couleurs. De fait, le quartet donne à tous ces morceaux ou presque un titre en farsi et cela provient du vécu du pianiste, mais je ne vais pas faire sa généalogie non plus, on est là pour parler jazz, jazz contemporain pour l’occasion avec des musiciens auxquels leurs formations musicales ont donné un niveau ébouriffant de technique instrumentale et des capacités d’écriture non négligeables. Ils furent donc d’un bout à l’autre des deux sets très à l’aise avec leur sujet, ce que le public apprécia grandement. Interprétant pour l’essentiel de nouvelles compositions et mêlant les influences, ils déclinèrent des thèmes plutôt complexes, donnèrent dans la brisure rythmique, s’offrirent des chorus pointus, des soli ravageurs et firent valser des couleurs chatoyantes : en peu de mots, ils se firent plaisir et en donnèrent un bon peu (on dit ça par chez moi) à l’auditoire. L’effervescence de leur musique, c’est ainsi qu’ils la qualifient, me parut frénétique (au-delà du bouillonnant et en deçà du surexcité) et il m’arriva de souhaiter qu’ils ralentissent la cadence et qu’ils économisassent les notes. Il me fallut attendre le second set pour écouter un morceau discrètement plus lent qui laissa un peu de place au silence et à la résonance. Mais à certains moments, je dois confesser que la fougue fiévreuse qui les habita me fit envisager Art Tatum et Oscar Peterson comme étant adeptes du minimalisme. J’accuse subséquemment l’âge de mes artères de trop aimer la quiétude et l’accoisement. Cela n’enleva toutefois rien aux qualités d’ensemble de cet ardent combo qui démontra, outre sa cohérence et son intelligence musicale, des capacités créatives pouvant faire naître quelques jalousies au sein de la confrérie. Ce fut au final un soir de jazz tout feu tout flamme et cela tomba à pic puisque le 22 février est également le jour de naissance de Niki Lauda (1949-2019). Durant le retour vers mon plateau, dans mon bolide (à cinquante en quatrième), j’écoutai « Touch the light », solo récent de Joachim Kühn. Fut-ce de la pure vengeance ?
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Alexis Bajot-Nercessian : claviers
Léo Jeannet : trompette, bugle
Hugo Rivière : contrebasse
Pierre Demange : batterie