Samedi 30 mars 2024

L’épaisseur du Trio Grande vient-elle de la capacité de ses musiciens à jouer de cinq instruments durant le set ? Hier soir, Nate Wood s’occupa de sa batterie et de sa basse en même temps, Will Vinson alterna le saxophone alto avec le Wurlitzer et Gilad Heklselman put fort bien tenir une ligne de basse en faisant un solo bien qu’il ne s’en tint qu’à sa guitare, alors cela ne compta pas vraiment, n’est-ce pas ? Ils ajoutèrent quelques effets et l’on obtint une musique texturée et changeante qui ne s’attacha à aucun genre ; j’appelle ça le genre jazz post jazz, on se raccroche aux branches comme on peut… Les trois complices ayant une tendance naturelle à la virtuosité, ils aimèrent démontrer (joyeusement) que leur expertise en métrique complexe et leur goût prononcé pour la polyrythmie étaient nécessaires au bien-fondé de l’affaire, ce que je ne contestai pas, étant impressionné par leur maîtrise et leur éloquente érudition. Ayant chacun, en sus, une vision personnelle plutôt atypique, ils réussirent à élaborer une somme musicale parfaitement cohérente et enthousiasmante et ce ne fut pas le public qui me donna l’impression inverse, bien au contraire. De quoi mettre du baume au cœur de ce trio augmenté qui ne lésina à aucun moment pour achever sa tournée en beauté avec la verve décrite ci-dessus et cette facilité à brouiller les pistes et à s’affranchir des frontières (tels des indiens sur la rive du R.. G…..) en mêlant les vocabulaires. Deux sets énergiques plus loin, avec à plusieurs moments des effets sur le saxophone qui, liés à la rythmique, me rappelèrent des sonorités jazz rock très « eighties », la soirée était bouclée, non sans que Gilad Hekselman fit participer l’auditoire qui chantonna au mieux pour accompagner les musiciens. Je préférai m’abstenir, les temps étant bien assez pluvieux comme ça car ce n’était pas seulement la soirée de Will, Gilad et Nate, c’était aussi la semaine pascale (sans majuscule, faut pas déconner non plus) et elle est connue pour être humide. Pour votre gouverne, sachez aussi qu’ils inclurent une étonnante version du Strasbourg Saint Denis du regretté Roy Hargrove qui, soi-dit en passant, en connaissait un rayon en hard groove (facile). Tout ceci un 30 mars, jour qui vit naître Astrud Evangelina Weinert, épouse Gilberto (1940-2023) ; elle divorça d’ailleurs de Joao après avoir fricoté de trop près avec le ténor de Stanley Gayetzsky. Ensemble, les trois nous ont légué The girl from Ipanema, chanson tubesque molle à souhait et indétrônable Grand Prix de l’Association Internationale des Ascenseurs. La voilà la coolitude extrême. Sur ce coup-là, même Chet est largué. Pfff…