Jeudi 23 mai 2024

Comme d’habitude au Périscope, même avec une place gratuite en plus si tu prends le bus pour aller derrière la gare de Perrache, le jazz qui ose peine à remplir la salle. Et pourtant, elle est petite. Agaçant, râlant, rageant, exaspérant, N’est-ce pas ? Je garde une dizaine d’adjectifs du même acabit en réserve. D’autant que les musiciens présents n’étaient pas des lapins de trois semaines. Kit Downes, anglais émigré à Berlin (que j’adore avec Norma Winstone ou encore Seb Rofchord), Robin Fincker que je ne présente plus et la chanteuse irlandaise (émigrée à londres) Lauren Kinsella que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam mais qu’il me plut d’écouter, démontrèrent par le menu comment s’emparer de musiques anciennes, folk, avec ou sans une once de religiosité, ajouter quelques compositions originales, et bâtir un autre monde de clairs obscurs ; ce fut aisé puisqu’ils sont nantis des dons indispensables à sa création. Shadowlands, c’est le nom du trio, exista dans l’aire d’un chambrisme organique et texturé. Louvoyant entre les genres, le trio assuma son inventivité et libéra des espaces où insérer de l’originalité fut une obligation (qu’ils se donnèrent). L’écoute et la complicité, la musicalité ainsi exprimée, firent le reste. Lauren Kinsella, impressionnante de contrôle vocal tout au long du set, dixit ma fille, et qui me fit penser à Claudia Solal, apporta, entre autre, quelques mots d’Emily Dickinson dans une mélodie. Entre nous, de nos jours, ce sont plus les chanteuses de la sphère des musiques improvisées qui font vivre l’œuvre de la recluse du Massachusetts que les littérateurs… Kit Downes explora son piano préparé et un autre truc (moderne) qui fit des gros sons à bon escient, déclencha et la tornade et l’ombre du silence. Robin Fincker souffla, essaya même dans un épisode furieux d’essouffler son ténor, souffleta, chuchota dans son bec et n’en fit pas un fromage. Les trois furent imaginatifs et ingénieux dans leur partis-pris esthétiques et ce, tout au long du set, en combinant les approches jusqu’à livrer l’ébauche de paysages ouverts, offert en partage aux auditeurs, propices au songe détendu et néanmoins capables de les apostropher vivement du coin de la phrase musicale en cours qui semblait leur dire évadez vous, sniffez la poudre d’escampette et créez un monde à votre mesure, faites entrer vos émotions dans l’atmosphère car on ne brûle que de vivre. Bien sûr, si vous étiez absents en ce 24 mai qui vit disparaître Duke Ellington (1899-1974), vous avez raté un peu plus que quelque chose et c’est votre problème. Démerdez-vous avec. Le mien, c’est l’omniprésence, d’une manière ou d’une autre, du pianiste washingtonien où que j’aille. Tu fais chier le monde Edward. Count B. fait la gueule et t’attend au tournant avec toute une bande de jaloux. Tu ferais mieux d’écouter Shadowlands.


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