vendredi 31 mai 2024

Humairus (1938-), Blaserus (1981-) et Känzigus (1957-) sont les trois mamelles de l’Helveticus, trio helvéto-suisse réunissant trois générations de musiciens inspirés et inspirants ne manquant jamais de baigner leur musique dans les plaisirs du jeu sans omettre les plaisirs du je qu’ils savent parfaitement conjuguer à tous les temps pour n’en faire qu’un et surtout là où personne ne les attend. Voilà, j’ai tout dit. Merde alors ! C’est un peu court comme recension d’un concert en deux sets au Chorus de Lausanne. Il était sans contredit impossible d’aller les écouter ailleurs qu’en ce lieu parrainé par le batteur (il a également dessiné le logo du club), d’autant que ses collègues en sont des habitués. Home sweet home pour tout le monde en quelque sorte puisque ma fille et moi en sommes aussi des habitués depuis un temps certain. Quelle fut la musique de la musique en cette journée de merde pseudo printanière ? Je notai sans surprise qu’elle fut pleine de surprises car Daniel Humair et ses acolytes ne voulurent rien d’autre qu’un moment musical à leur image : facétieux et subtil, techniquement souriant et toujours créatif. En un mot comme en cent, elle fut versatile, au bon sens du terme, ce qui n’est pas un contresens soit-dit en passant. Samuel Blaser coulissa du trombone, bouché débouché tout en souplesse, Heiri Känzig picota du boyau (tout en souplesse) et le batteur baguetta à tire-larigot (tout en souplesse), quitte à faire grincer ses cymbales, ou encore exhumer quelques sonorités caverneuses à l’aide son micro. Ainsi, à titre d’exemple, Les oignons de Sidney B. furent livrés cuisinés à l’auditoire en version échalote ; ah, on ne vantera jamais assez les vertus des condiments… Et le temps passa vite car, voyez-vous, ils n’eurent de cesse de réinventer leur inventions, de s’unir pour mieux se désunir et partir là où leur imaginaire les portait. Et comme ils sont plus doués pour la musique et le plaisir que bon nombre d’individus de la confrérie des musiciens (une bande de gros égos capable du meilleur et du pire), qu’en sus, en bons équilibristes du discours musical, ils connaissent la valeur du partage, ils ravirent le public, quitte à le prendre en otage en deux sets gagnants, lui filèrent des frissons et lui collèrent la banane sous le nez, ce qui est plus indolore que dans l’oreille ou dans les tréfonds obscurs et malodorants du bipède de base, quand bien même fut-il amateur de jazz. Bref, ma fille et moi savions pourquoi nous venions et, au final, nous sûmes pourquoi nous vînmes : voir des amis évidemment, écouter du jazz aussi festif que fin, et prendre une tranche de plaisir. Il n’a pas de mal à se faire du bien (Satan est d’accord). Nous saupoudrâmes le temps du retour avec une bonne couche de Neil Young, électrique ou non, histoire de finir en beauté jusqu’à la prochaine fois. C’était un 31 mai, jour qui vit naître Louise Farrenc (1804-1875), compositrice très sous-estimée, et Walt Whitman (1819-1892) dont je me demande encore si ses Feuilles d’herbe se fument. Quelqu’un a-t-il la réponse ?