Le trio piano contrebasse batterie est parait il la formation reine du jazz, certains disent le cœur de cette musique. Nous n’irons pas ici les contredire le débat serait trop long. Pour nous ça serait plutôt le swing ou le Groove, vous l’appellerez comme il vous plait et ce qui fait pour nous sa singularité est la spontanéité inhérente à l’improvisation, son phrasé et sa sonorité. A chacun de l’exprimer et de nous le conter comme il l’entend et comme nous avons pu le constater en allant écouter trois différentes formations en trio en quelques jours.

  Laurent De Wilde trio

le 14 septembre 2024 Sunside

Pianiste dans la tradition, Laurent De Wilde ne se contente pas de redite et qui, s’il est marqué par l’histoire du jazz ne s’enferme pas dans le conservatisme. On connait ses expérimentations, son duo avec Ray Léma, ses écrits.

En revenant à ce type de formation acoustique Laurent nous propose une lecture contemporaine de son travail, prouvant que sa modernité dépasse les limites du temps et continue d’agiter en profondeur les valeurs essentielles de sa musique. S’il reprend Monk c’est pour le tordre à sa façon, prenant à rebrousse poil Monk qui déjà était lui même un rebrousse poil, on s’en amuse et on apprécie cette irrévérence. L’autre grande inspiration est à l’évidence Ahmad Jamal dont il reprend ici quelques titres toujours à sa façon mais dont il épouse l’esprit. Ainsi ce fut une soirée en deux sets bien remplis et de très belle facture.
Un trio libre et complice grâce à la présence de deux compagnons de longue route Jérôme Regard et Donald Kontomanou indéfectibles pourvoyeur d’idées.

Laurent De Wilde : Piano
Jérôme Regard  : contrebasse
Donald Kontomanou : Batterie

Merci à Cecile Faou-Cresson pour les photos


  Trio Copland, Kerecki, Moreau

mercredi 18 septembre 2024 Maison-galerie 19Paul Fort

Le lieu, MaisonGalerie 19PaulFort, lieu propice aux arts plastiques et à la musique, un piano de concert accordé, un lieu à l’acoustique agréable, un lieu où on ne mange pas ni ne boit.

Marc Copland c’est un demi-siècle de carrière, d’abord au saxophone puis au piano. Il a fait parti de ce mouvement new-yorkais qui créait sa musique dans les lofts. Un son unique et reconnaissable par une science de l’harmonie et une utilisation subtile des pédales de l’instrument et où chaque standards (Blue in Green, All Blues, Days of Wine and Roses) devient alors autre chose. De belles compositions personnelles et de ce trio on en retient une musique où l’égocentrisme est mise au rebut, où chacun est au service des autres tout en étant lui même, l’exercice tout en interaction n’est pas des plus facile mais ici fonctionne à merveille. Que ce soit Stéphane à la contrebasse usant du contrepoint, évitant le plus possible le recours à la walking Bass ou Fabrice Moreau plus peintre que batteur et dont on souligne trop peu à notre gout l’inventivité constante. Un magnifique moment au swing si particulier, un public à l’écoute attentive récompensé par un pot de l’amitié où l’on peut enfin causer, manger et boire…modérément bien sur.

Marc Copland : piano
Stéphane Kerecki : contrebasse
Fabrice Moreau : batterie


  Miki Yamanaka trio

samedi 21 septembre Duc des Lombards

Miki Yamanaka, jeune pianiste japonaise installée à New York, peu connue ici si l’on excepte les adeptes du streaming sur Youtube et les soirées du Smalls, ce qui lui a valu le bénéfice de deux soirées au Duc des Lombards, comme quoi le jazz et les réseaux sociaux peuvent faire bon ménage à l’image d’un Emet Cohen au business plan bien étudié.

Son jeu fait de virtuosité à la fois digitale et musicale est davantage dans la lignée mainstream que les deux précédents trios susnommés, pas une musique hyper léchée et conservatrice comme les Marsalis mais qui pointe ses lignes et harmonies dans la modernité sans réellement s’y abandonner. En résulte une soirée sans grandes surprises peut-être, mais en laquelle on se sent bien et que l’on écoute avec plaisir. Ce d’autant plus que Miki, ici habillée d’un kimono du plus bel effet, fait preuve d’un humour et d’une positive attitude indestructibles. Bref on est très loin de la morosité et tout y passe, standards et compositions personnelles d’une belle construction formelle et mélodique dont elle a édité la musique (livre au prix de 25€), les CDs (20€) et même les vinyles (45€). Comme quoi le jazz a aussi le sens des affaires…Miki a raison il faut bien vivre.

Miki Yamanaka : piano
Tyrone Allen : contrebasse 
Jimmy Macbride : batterie

Pour nous ce type de formation piano, contrebasse, batterie maintes fois remis sur l’étal n’est pas plus la formation reine du jazz que disons, le big band ou le solo. Le jazz est pour nous affaire de langage et des ingrédients qui en font partie mais surtout d’état d’esprit. Toujours est-il, qu’en quelques jours, nous avons pu entendre trois formations aux accents différents et les plus aventureux ne sont pas toujours ceux que l’on croit, ainsi va la vie du jazz.